Comédie satirique de Murray Schisgal, mise en scène par Stéphane Valensi, avec Marc Berman, Bartholomew Boutellis, William Edimo, Nathalie Grauwin, Daniel Kenigsberg, Nathalie Lacroix, Matthieu Marie, Ariane Pawin, Juliette Savary et Marc Schapira.
Evènement au Théâtre 13 Jardin avec à l’affiche "Le Ministre japonais du commerce extérieur", une pièce inédite de Murray Schisgal dont la création mondiale est assurée par Stéphane Valensi et dont la première s’est déroulée en présence de l‘auteur, 86 ans, bon pied bon oeil, et oeil ému lors du salut.
Pour cette variation contemporaine à l'américaine de la comédie satirique "Le Revizor" de Nicolas Gogol, Murray Schisgal opte pour le registre de la farce dans laquelle il livre, par le procédé comique du quiproquo, une satire féroce et caustique de la société américaine.
Dans une petite ville tranquille de la grande banlieue newyorkaise, le maire, sa famille et quelques membres du conseil municipal triés sur le volet, archétypes de la middle class bien pensante, attendent, fébrilement et en catimini, la visite du Ministre japonais du Commerce extérieur qu’ils espèrent, fantasment, comme le Messie capable de réitérer la multiplication des pains tant pour le bien commun que, et surtout, pour leur profit personnel, un petit supplément de réussite que l’american way of life tarde à leur apporter.
Nourris au petit lait du rêve américain, partageant les grands idéaux humanistes inscrits dans la Constitution, bercés par les hymnes au sentimentalisme patriotique en remontant au chant de la Guerre de sécession et les ritournelles des comédies musicales dégoulinantes de bons sentiments symboles de la culture populaire américaine, tel le "Over the rainbow" du film "Le Magicien d'Oz", et pratiquant le credo du dieu dollar, ce sont de grands enfants qui croient au Père Noël.
Et comme pour ce dernier l'habit fait le moine, le kimono fait le Japonais et il suffit de deux acteurs débarqués de la tournée d'un spectacle japonisant pour les transformer en ravis de la crèche jusqu'à la sidération finale provoquée par le brutal retour à la réalité.
Dans une scénographie claire de André Acquart, l'intérieur de la maison du maire, Stéphane Valensi a choisi de "jouer Schisgal comme l’on jouerait Tchekhov avec un clin d’œil aux grands comiques américains des années 50-60", ce qui positionne cette hilarante comédie navigant entre Molière et Feydeau dans le registre de la fantaisie souvent loufoque tout en préservant le caractère tragi-comique des personnages pour lesquels l'auteur manifeste une certaine tendresse, même s'il les secoue sans ménagement.
Il signe une mise en scène alerte et une direction d'acteur rigoureuse qui emportent le spectateur dans la spirale de la folie déboussolant une brochette de clampins qui se montent le bourrichon menée par le maire, cuistre patenté collectionneur d'authentiques couvertes amérindiennes bouffées aux mites dont le pathétisme de la naïveté et de la suffisance réunies est parfaitement rendu par Marc Berman et par sa moitié, une béate hopeful housewife dont l'antienne rêvée est "L'hiver aux Bahamas, l'été à Monte Carlo" jovialement campée par Nathalie Lacroix.
Les deux cabotins opportunistes - auxquels Matthieu Marie et Juliette Savary apportent une belle fraîcheur de jeu dans la caricature - profiteront sans remords de la crédulité de ce public inattendu que composent, en outre, la fille du maire, un poil riot girl qui se verrait bien femme de ministre (Ariane Pawin), un duo d’agents immobiliers traités à la manière des Dupont tintinesques (Bartholomew Boutellis et Marc Schapira), le chef de la police d’origine afro-américaine (William Edimo) illustration de l'intégration réussie au point d’oublier son appartenance à une minorité, la juge qui pointe aux alcooliques anonymes (Nathalie Grauwin) et le médecin spéculateur interprété par le désopilant Daniel Kenigsberg. |