Bien sûr on attendait l’album. Bien sûr on viendrait au concert. On a découvert dans le Désordre (Carotte Production, juin 2012), le nouvel album de Barrio Populo et la tournée, sur scène, au Fil.
Dans le désordre… 15 pistes, 19 chansons sur scène ce soir là.
Remarquez, on aurait pu ne pas venir, se questionner sur cet album, se dire rien de neuf sous le soleil… interroger le sérieux de l’interprétation qui se prend au sérieux, critiquer les postures artistiques un peu artificielles, oublier la crise et les militants qui sont si tristes et qui nous empêchent de rêver… Bien sûr… Mais…
On aurait tout aussi bien pu s’enthousiasmer pour l’énergie débordante, saluer l’engagement dans la poésie, partager le plaisir de retrouver les grands frères Mano Négra - Cantat - Ferré dans l’ombre stimulante, puis s’enivrer de riffs entêtants, rêver les mots, murmurer le rêve… et, courir au Fil pour les voir sur scène. Ou l’inverse. Décidemment "on" est un con, abandonnons-le là, car peu importe l’ordre, laissons Barrio Populo composer avec, découdre celui des choses, pour en renouer Le Fil à leur manière, dans le désordre. Patchwork d’album et de live. Désordre au Fil, ils défilent aux ordres de… de qui ?
Pas de la consommation, rappelez-vous : "Cassons les magasins, laissons pisser nos chiens" de la piste 3 (septième du live) ; et "Mieux vaut rien que trop" (piste 14).
Pas du grand capital, qu’ils tueront, qu’ils brûleront, qu’ils raseront ; convoquant Jacques Prévert, changeur de paysages s’il en est, ils transformeront une piste 6 en avant dernière chanson de live et ils changeront l’hiver en printemps !
Aux ordres de pas grand monde finalement, le dixième morceau et piste 8 le martèlent : "c’est dans le désordre qu’on jouit, un sexe, une falaise c’est beau quand c’est rude, mieux vaut risquer les flots que la servitude".
Parions plutôt sur l’envie d’offrir une chance à l’amour, à la résistance, au plaisir. Voilà le désordre de Barrio Populo : pas d’obéissance servile, pas de garde à vous, mais une volonté d’être ensemble pour repousser la mort, une envie de lutter pour exister, une détermination à résister aux sirènes pour rester avec le peuple. La mort, la lutte, le peuple… un triptyque qui se dessine et s’affirme dans l’œuvre de Barrio Populo.
Alors comme pour mieux illustrer ce parti pris de désordre, le public se retrouve sur le plateau, les poings se lèvent, tant de jeunesse insulte la mort, la lutte est en route, le peuple est sur scène !
Et on continuera, piste 13, "… la musique suffit à nos peines, allez ma belle monte-nous là-haut, et on continuera, tant qu’on en rêvera...", précédant une reprise en live de Ferré, vingt ans, tout un programme !
Un album, dix-neuf morceaux, un concert, et quinze pistes plus tard, nous voici électrisés de l’énergie jamais défaillante, portés par les respirations offertes, heureux.
Le live est rassurant de puissance, de collectif, de folie et de joie, et vient à merveille compléter l’album, plus poétique, plus froid, plus ordonné.
C’est au final une des grandes réussites du groupe : passer de l’ordre au désordre avec brio, car, Paul Valéry le disait, "entre l'ordre et le désordre règne un moment délicieux". C’est précisément dans cet entredeux que nous attend Barrio Populo. |