Réalisé par Mark Jackson. Etats-Unis. Drame. 1h27. (Sortie 14 novembre 2012). Avec Joslyn Jensen, Ronald Carrier, Darren Lenz et Bob Sentinella.
Bonne année pour le cinéma indépendant américain. Après "The Color Wheel" et "A little closer", "Without" de Mark Jackson prouve que le cinéma américain sait encore s’intéresser à autre chose qu’à des super héros ou décliner pour la énième fois les aventures d’un ogre vert ou d’une bande d’animaux en goguette.
"Without", c’est la rencontre improbable de Frank, un homme végétatif, et de Joslyn, une jeune fille chargée de s’en occuper pendant l’absence de ses enfants.
Aussitôt la situation posée, on s’interroge sur les raisons qui l’ont poussée à accepter de rester seule plusieurs semaines avec un homme impotent et quasi muet dans une maison isolée située sur une île presque déserte.
Avec pour tout arme son ukulélé, elle est sous l’emprise de cet homme barbu, silencieux, aux yeux vifs qui donnent à son visage quelque chose de dur, d’antipathique, de faux même. Elle est aussi sous l’emprise morale du couple de petits-bourgeois qui l’a engagée et soumise à une longue liste de recommandations tatillonnes qu’elle doit respecter scrupuleusement.
Peu à peu, son quotidien est envahi par des détails déviants de l’"ordre" organisé dans la "Bible" qu’on lui a remise. C’est tout l’art de Mark Jackson de réussir à rendre "palpitant" des petits faits et gestes sans importance qui deviennent des transgressions.
On ne sera jamais tout à fait sûr de ce qui se passe ou ne se passe pas dans ce lieu clos, propice à la déprime et aux prémisses de la folie. Frank feint-il d’être infirme et ne serait-il pas capable de se lever de sa chaise roulante ? Entre Joslyn et lui, y a-t-il quelque chose qui ressemble à un jeu sexuel ?
Dans cette solitude grandissante, la jeune femme fantasme-t-elle ? La folie la gagne-t-elle ?
Avec sa réalité pas forcément très assurée, "Without" n’est pas sans rappeler l’atmosphère de certains films de roman Polanski, notamment "Répulsion". Même si Joslyn Jensen n’a pas la beauté glaçante d’une Catherine Deneuve, on la sent elle aussi à deux doigts d’être prête à tout. On le souhaiterait presque quand revient la famille tête à claques qui n’a pas un mot pour la remercier de s’être occupée de ce boulet de Frank et la mitraille de reproches pour n’avoir pas respecté à la lettre le fameux protocole qu’ils avaient établi.
On pourra trouver dommage que le film s’évade un moment de son sujet pour donner la clé qui a poussé Joslyn à venir vivre cette expérience ascétique et dangereuse pour sa raison.
Reproche qui n’empêche pas ce premier long-métrage d’être une réussite, fournissant à Joslyn Jensen et Ronald Carrier l’occasion d’une étrange confrontation. |