La fusée de Shitamachi, c'est un peu comme un film de super-héros.
Il y a un héros tiraillé entre ses super-capacités et ses responsabiltés, la femme de sa vie qui est inaccessible, son bras droit qui ne le laisse jamais tomber
et les gros méchants qu'il faut affronter et vaincre (peut-être).
Comme dans un film de super-héros, notre personnage a une histoire personnelle tragique. Ainsi il est mis plus bas que terre au début de l'histoire. Tsukuda Kohei, ingénieur en aéronautique, est responsable d'un programme spatial d'essai d'un nouveau type de moteur. Vous devinez ce qui arrive : la fusée se crashe... Anéanti et honteux, le gentil démissionne et reprend la succession familiale en tant que simple PDG d'une petite entreprise de conception de moteur. Position pas assez ambitieuse du point de vue de sa femme qui finit par s'en aller. Ah ! La vie est vraiment bien difficile...
Le titre "La fusée de Shitamachi" qu'on pourrait traduire par "Une fusée de banlieue", avec la connotation péjorative qui peut aller avec, nous indique un peu la tournure que va prendre l'histoire, où le gentil petit qui part de pas grand-chose va arriver au sommet. Les bons sentiments sont au rendez-vous et toute l'histoire repose ensuite sur le combat de cet homme contre le capitalo-banco-industrialo-affairisme des grandes entreprises pour parvenir à son rêve d'envoyer une fusée dans l'espace.
L'histoire, sorte d'ode au travail bien fait, manuel et artisanal, frôle souvent la caricature. On a du mal à y croire quand un des protagonistes centraux s'extasie devant la précision d'un trou percé à la main dans une pièce de moteur de haute précision. L'histoire est également parsemée des hasards qui arrangent bien les choses. Ainsi, l'ex-femme, qui ne donne jamais de nouvelles, resurgit tout à coup et chance ! Elle connait très bien un super avocat, le meilleur dans son domaine, qui va tirer comme si de rien n'était notre héros et son entreprise du piège tendu par les méchants avocats du gros concurrent.
L'histoire se lit bien et rapidement, "trop" bien peut-être ? Le récit est très rythmé par les dialogues et les courts chapitres qui se finissent souvent sur une idée ou une action en suspension... Un procédé littéraire qui a fait ses preuves.
Malgré ces grosses ficelles, ce livre reste très agréable à lire et très intéressant pour sa description du milieu du travail et des entreprises au Japon.
Quand le récit arrive à sortir de son intrigue, trop linéaire à mon goût, on accède enfin aux meilleurs passages. Les employés y montrent leurs vrais visages et s'expriment sur leurs propres difficultés à vivre, sur leurs besoins et leurs envies. Les sentiments sont alors plus vrais et la fiction en est enrichie. L'histoire même en subit quelques conséquences et les actions de personnages secondaires amènent des rebondissements.
Ce récit nous permet également de nous plonger complètement dans l'ambiance du travail d'une PME industrielle japonaise. Ambiance lourde quand se rapproche le risque du chomage, synonyme de perte complète de statut social ou plus légère quand toute l'équipe se retrouve dans un izakaya pour fêter une victoire.
On comprend également le poids de la hiérarchie dans ce monde japonais où chaque employé est plutot désigné par son titre que par son nom. Enfin, on frôle le documentaire quand sont décrits tous les rouages des banques et du sytème de prêts bancaires, des cabinets d'avocats d'affaires et de la main mise des grosses entreprises historique sur des secteurs complets du système économique.
Si le livre d'Ikeido Jun semble si réaliste concernant la description du milieu social et économique des petites entreprises industrielles, que les Japonais en ont fait une série télé populaire, un "drama" comme on dit là-bas, il n'en est pas moins très divertissant et assez original pour je me permette de vous recommander sa lecture. |