Comédie dramatique de Federico García Lorca, mise en scène de Hervé Petit, avec Samira Baibi, Caterina Barone, Marguerite Karcz, Béatrice Laout, Sabrina Manac'h, Emmanuelle Nocq-Saada, Catherine Perrotte et Anna Sigalevitch.
Le père vient de mourir. Bernarda Alba conduit maintenant d'une main de fer les affaires de la maison où elle habite avec ses cinq filles. Le deuil du père doit durer huit années durant lesquelles les filles ne doivent pas sortir de la maison.
Vivant en vase clos dans une chaleur étouffante, la tension monte entre ces sœurs tout de noir vêtues. D'autant qu'un prétendant, plus attiré par l'héritage que par les charmes de l'aînée, vient chaque soir faire sa cour sous les fenêtres de celle-ci, attisant d'autant plus les rancœurs des unes et des autres.
Cette pièce est la dernière de Federico García Lorca, il fut en effet assassiné deux mois plus tard par les franquistes. Il y a d'un côté le sujet porteur d'une incroyable charge dramatique. Il y a d'autre part la symbolique liée à la montée en puissance du général nationaliste, le risque que cette ascension représente pour la République, la métaphore de l'oppression et le besoin de liberté qui traversent la pièce de bout en bout.
Pour sa scénographie, Hervé Petit a choisi le dénuement, un grand plateau blanc et quelques coffres de bois. Le décor est austère, rappelant la chaux des murs, la chaleur étouffante, le soleil aveuglant. Les silhouettes des femmes en noir se détachent brutalement de ce fond blanc à la propreté toujours immaculée, une obsession de la maîtresse de maison.
La mise en scène qui laisse les personnages à proximité de l'espace de jeu et ne les fait jamais sortir du plateau, même si on ne les voit pas, participe au sentiment d'étouffement grandissant dans une maison où nulle vie privée n'est possible.
Et surtout il y a huit actrices, toutes plus éblouissantes dans leur rôle, les unes que les autres. Catherine Perrotte et Marguerite Karcz qui interprètent les deux domestiques. Emmanuelle Nocq-Saada, magistrale en Bernarda, toujours porteuse de violence contenue.
Ensuite il y a les cinq filles. Samira Baibi campe magnifiquement une Martirio haîneuse. Béatrice Laout, très investie, qui semble asséchée pour interpréter Angustias, l'aînée que les autres filles détestent. Caterina Barone, elle aussi splendide, dans le rôle de Magdalena, un personnage désespéré mais qui essaie de faire bonne figure. Sabrina Manac'h est Amélia, personnage torturé par sa peur et qui vit intensément le quotidien.
Et enfin, Anna Sigalevitch éblouissante dans le rôle d'Adela, la jeune soeur passionnée, éprise de liberté, la seule qui ose braver les interdits.
"La Maison de Bernard Alba" de Federico García Lorca est une oeuvre puissante, un drame intense servi avec brio et talent par chacun des membres de la Compagnie La Traverse.
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