Comédie de Marivaux, mise en scène de Danuta Zarazik et Carlo Boso, avec en alternance Cécile Evrot, Thilina Pietro Femino, Quentin Laugier, Laura Lutard, Julie Mori, Magali Öhlund, Linda Primavera et Salma Tahaibaly.
Écrite en 1725 par Marivaux, "L'île des esclaves" est une comédie dans laquelle l'esclave prend la place du maître et vice-versa. Dans de nombreuses pièces du théâtre classique, le maître et le serviteur échangent leur rôle et leur rang afin de jouer un tour à un tiers ou encore pour approcher l'élu de leur coeur qui n'est pas du même rang qu'eux : c'est une trame déjà rencontrée chez Molière ou chez Musset.
Dans "L'île des esclaves", le propos est légèrement différent car la situation est subie et non pas volontaire. Lorsqu'il écrit cette pièce dans la première moitié du XVIIIème siècle, Marivaux entrevoit-il déjà la Révolution Française qui se profile ? Y a-t-il là une tentative d'éduquer le peuple par la comédie ? Car en effet chaque révolution réussie se conclue par une phase de terreur qui relève du désir de vengeance.
La mise en scène de Danuta Zarazik et Carlo Boso, tout comme le texte de Marivaux, emprunte à la commedia dell'arte dans l'utilisation des masques, des maquillages et les costumes. Cependant en modifiant légèrement le texte et en faisant des clins d'œil au cinéma d'action, la Compagnie l’Attrape Rêve recherche un humour décalé. Quant aux comédiens, les effets appuyés viennent renforcer le parti-pris de traiter cette adaptation de manière clownesque.
Alors que les lieux mémoriels se multiplient en France, qui célèbrent la fin de l'esclavage et de la traite négrière, on peut s'étonner de voir montée cette pièce qui prône l'immobilisme d'un système social inégalitaire qui s'appuie sur la naissance, texte où le gentil esclave veut vite retrouver son état de servitude auprès d'un maître soudain éclairé sur la condition de son bien mobilier.
Cette fable, empreinte de culpabilité chrétienne, éclaire cependant sur une situation encore vivace en France il y a seulement trois siècles, et à laquelle Victor Schoelcher ne mit fin qu'en 1848.
Une pièce à conseiller aux lycéens dans le cadre du programme des humanités, nom que l'on donnait jadis aux matières littéraires, mais aussi aux matières destinées à renforcer l'esprit critique, la rigueur intellectuelle et la curiosité. |