Le retour de The Apartments a surpris autant qu'enchanté le public français en ce début décembre. Un public qui venait pour voir un chanteur dont les mélodies et les textes pourtant bouleversant n'a jamais connu le succès qui aurait dû lui revenir. Quasiment inconnu en Australie dont il est originaire et où il réside, beaucoup ne le connaissent qu'à travers la reprise de "Mr. Somewhere" sur le second album de This Mortal Coil.
En France, depuis le milieu des années 90, Peter Milton Walsh est un chanteur et un compositeur culte, en raison du soutien indéfectible que les Inrockuptibles, et en particulier au sein de la rédaction Emmanuel Tellier, lui ont toujours accordé. Pour le voir, alors que ses concerts sont plus que rares, on a même croisé un couple venu pour l'occasion de Seattle.
Pour cette tournée, il est de plus accompagné par Amanda Brown, la violoniste et chanteuse des orfèvres pop les Go Betweens, malheureusement aujourd'hui muets depuis le décès prématuré de leur chanteur. Avant que Peter Milton Walsh ne parte retrouver ses fans au restaurant le Pan Cooker, annexe de la nouvelle salle de spectacle parisienne le Pan Piper dans le XIe arrondissement de Paris, il a accepté de nous parler de cette tournée, mais aussi des doutes qui continuent à l'habiter.
Comment s'est cette tournée s'est-elle organisée et préparée ?
Peter Milton Walsh : Je suis resté en contact avec Emmanuel Tellier. C'est déjà lui qui avait organisé la mini tournée de concerts que j'étais venu donner en France en 2009. Cette fois-ci, il est passé par un site participatif, Ulule, pour organiser une souscription. Lui croyait que les gens avaient envie de me voir et que ça fonctionnerait. Il avait le sentiment, en raison de l'accueil reçu lors de de la tournée de 2009 qu'il fallait que je revienne. On avait alors joué dans des petites salles, il pensait qu'on pourrait remplir des salles plus grandes. Pour ma part, je ne croyais même pas que le public aurait envie de me revoir. 2009 avait été une très mauvaise année au plan personnel pour moi, j'étais dans une période où je n'avais plus vraiment envie de continuer. Je ne me doutais pas de l'intérêt du public français pour mes chansons.
Vous êtes venu d'Australie avec Amanda Brown et Wayne Conolly, mais les premières répétitions avec l'ensemble du groupe ont eu lieu en France. Comment se sont-elles déroulées ?
Peter Milton Walsh : Elles se sont passées à Allonnes, près du Mans. Nous avons eu deux jours et demi pour répéter. J'avais déjà joué avec Nick Allum. Nous avons dû travailler dur pour être à la hauteur, mais ça s'est bien passé. J'ai de la chance de travailler avec tous ceux qui m'entourent sur cette tournée.
Y avait-il de la pression avant de monter sur scène pour le premier concert de la tournée, à Allonnes ?
Peter Milton Walsh : Non, pas vraiment. Mais il y avait la volonté de bien faire, de se montrer à la hauteur de ce que ces gens qui étaient venus voir The Apartments pouvaient attendre de nous.
Et à Paris, aux Bouffes du Nord ?
Peter Milton Walsh : C'était la même chose, d'autant qu'il y avait plus de monde. Il y avait la volonté de ne pas décevoir. Puis on a eu des petits problèmes techniques. Je voulais interpréter de nouvelles chansons pour les gens qui étaient venus, leur fournir de nouveaux souvenirs à ramener chez eux, mais je n'ai pas pu le faire en raison d'un problème de guitare.
Et que vous est-il arrivé lors de l'intro de "Goodbye Train" ?
Peter Milton Walsh : J'avais déjà oublié les premiers vers de cette chanson lors du concert d'Allonnes, alors je ne voulais pas me planter cette fois-ci. Et puis, à nouveau, ils me sont sortis de la tête. Les paroles me sont revenues après quelques secondes, mais les gens se demandaient ce qui se passait. Ça a eu l'avantage de relancer l'attention du public.
Je ne sais pas si ça a eu une influence sur l'interprétation, si vous étiez énervé, mais vous en avez donné une version très énergique.
Peter Milton Walsh : C'est une chanson qui parle de quelque chose que je connais bien. On s'éloigne des gens pour une raison ou une autre. Dans mon histoire personnel, cela a pu être pour des raisons liées à la drogue ou à l'amour, mais au bout du compte, les souvenirs qu'on laisse s'effacent peu à peu. Quand j'étais plus jeune, j'étais très bon à ce jeu qui consiste à disparaître, à partir. Quand on est jeune, c'est facile à faire. On croit en des lendemains glorieux, puis on se réveille et rien ne s'est vraiment passé. Je crois que ça a pu arriver à d'autres personnes du public, que ce n'est pas une expérience universelle. J'ai passé un peu de temps à New York, puis un jour je me suis demandé si j'allais retourner vivre là où j'avais déjà vécu auparavant, mais j'avais changé et je savais que les lieux que j'avais fréquentés auraient aussi changé. Il y a une part de soi qui se réjouit de ces nouvelles expériences, mais on perd aussi quelque chose en partant. Est-ce que je dois revenir là où j'ai déjà des souvenirs est une question qui m'obsède. C'est pour cela que cette chanson, même mélancolique, doit être interprétée avec de la puissance.
Cette question du retour, je me l'étais même posée avant de revenir en France pour la tournée de 2009. J'avais perdu mon fils quelques années auparavant, et je me demandais si je pouvais retourner en France où j'avais de bons souvenirs. Je me disais "Ma vie continue, alors que la sienne est terminée. Ce n'est pas juste". Ça n'avait pas été facile de me convaincre de venir, de me décider à continuer à aller de l'avant.
Mais aujourd'hui vous avez de nouveaux morceaux, et des projets...
Peter Milton Walsh : Oui, actuellement je tourne avec d'anciens morceaux, mais j'aimerais revenir avec de nouvelles chansons à offrir au public. J'ai certes un haut niveau d'exigence, et on entend dire que c'est pour cela que je n'ai pas sorti d'album depuis longtemps, mais si vous entendiez les morceaux que j'ai écrits, vous comprendriez que je ne peux pas les sortir ainsi. J'y ai mis beaucoup de choses intimes avec lesquelles je me bats encore. J'ai besoin de me réfugier encore un peu dans le silence. Je ne suis pas du genre à me dire "Allez, c'est bon. La vie continue". J'ai besoin de solitude et de silence. Vous connaissez la série Mad Men ?
Non, je ne l'ai pas regardée.
Peter Milton Walsh : Des amis me disaient ça va te plaire. Au début, je trouvais la reconstitution des années 60 avec les voitures, les fringues, la cigarette, bien faite. Mais dans le 6ème ou le 7ème épisode de la première saison il y a une scène où Don, le héros est au lit avec Betty, sa femme. C'est le matin, elle allume une cigarette. Lui, sa mère vient de décéder, il n'a pas dormi, il est épuisé et se complaît dans sa peine. Alors il en veut à sa femme. Mais elle ne répond pas à sa mauvaise humeur, à ses attaques. Elle lui assène "Les gens disent que la vie continue, et c'est en effet le cas... Mais personne ne te dit si c'est une bonne chose ou pas". Et là je me suis dit que le scénariste de la série avait compris quelque chose à la vie. Et ça m'a éclairé sur la mienne. |