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Serge Doubrovsky  (Editions Grasset)  octobre 2012

Serge Doubrovski est à l'origine du terme "Autofiction". On peut distinguer autofiction et autobiographie même s'il s'agit dans les deux cas d'une écriture de soi. Dans l'autobiographie, le narrateur raconte sa vie pour montrer les étapes de sa formation, commençant par ses souvenirs d'enfance, le portait et les caractères de ses parents, les évènements de sa vie amoureuse, de sa carrière professionnelle, il fait le portrait d'un tempérament… un tempérament d'écrivain déjà en germe. Témoignage d'un homme dans son temps auquel "il ne lui reste qu'à s'asseoir au bord de sa fosse" (Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand), l'autobiographie est une écriture de la vie avec sa direction et l'ordre que lui confère tout récit.

L'Autofiction a-t-elle un projet ? Elle est un récit où il n'est pas fait mystère que l'auteur est le narrateur et "la matière de son livre" pour reprendre la formule des Essais de Montaigne. Auto comme réflexif, fiction comme une réalité de soi fuyante, transformée par la langue, la séquence des phrases, l'ordre de la grammaire et sa petite mythologie intime. Serge Doubrovski dans Le Livre brisé commence le chapitre "Trou de mémoire" : "voilà, c'est bien de moi. Typique, lamentable, inadmissible, mais, hélas ! vrai". Il ne se prépare pas à temps pour fêter à l'Arc de Triomphe l'armistice de la seconde guerre mondiale qu'il suivra de sa chambre à la télé.

Le Livre brisé est tout entier dans cette distance, avec un narrateur qui se place en spectateur, absent aux grands rendez-vous qui jalonnent sa vie. Un homme de la séparation, de la division… Enseignant le français en Amérique, revenant en France le temps de ses vacances. Absent quand sa mère est morte, absent quand sa femme ne réchappe pas cette ultime fois à ses tendances suicidaires. Le Livre brisé est donc le cœur brisé et le miroir brisé.

Cœur brisé parce que Ilse, sa femme, lui donne la mission d'écrire sur leur vie conjugale, qu'elle soit enfin la femme de sa vie, de son livre. Plus de 20 ans plus jeune que lui, elle aurait gardé le livre témoignage de leur amour. Le fil se casse, le livre devient son tombeau.

Miroir au bord du chemin comme écrivait Stendhal, le livre fixe, fige les monstruosités de leur vie de couple, souvent déchiré, souvent dément. Elle qui boit, lui qui la bat. Sentiment de nausée. Le milieu bourgeois intellectuel ne préservant en rien du sordide de faits divers. Le miroir est brisé : les visages déformés, les sentiments durs, les insultes sévères. La brisure est aussi ce déplacement d'une langue à une autre : le Français, l'Anglais, l'Allemand, les traversées de la France vers l'Amérique. Une famille décomposée : des filles chez leur mère aux Etats-Unis, une jeune femme à qui il refuse de faire un enfant. Sombre. Ils sombrent.

Ce qui est fascinant, c'est combien Serge Doubrovski ne cherche pas à plaire. Aucun cadeau. Physiquement, il est vieux et flétri, moralement il est égoïste, inconséquent et lâche. Le texte est fait de répétitions, d'associations de pensées à travers les mots, la langue, de retour en arrière, de palimpsestes où Ilse, la première lectrice, donne son avis. La femme devenue personnage s'exprime sur le travail de l'auteur, mélange des diégèses.

Serge Doubrovsky va aux limites du supportable, présentant le corps déjà décomposé de Ilse, le conduisant dans le funérarium. Est-ce l'Amour ? (Haneke répondrait que oui) ou le plaisir malsain de l'écrivain, du mari âgé survivant ? S'il reste une image de sa femme, c'est peut-être celle-ci qui sera gardée inscrite dans la mémoire du lecteur. Jusqu'au-boutiste, dégueulasse. On ne peut pas cacher qu'on est captivé par un magnétisme, un voyeurisme, une impudeur (complaisante, agaçante) mais qui vient disséquer, ouvrir les corps au scalpel. Ecce homo en somme.

Sartre apparaît comme un imago paternel, figure rencontrée dans sa jeunesse, qu'il a vue ensuite sénile. Sartre qui, dans Les Mots son autobiographie, avait divisé son texte entre Lire et Ecrire est l'auteur avec qui Serge Doubrovsky entretient une intimité tout au long du Livre Brisé. Alors laissons-lui le dernier Mot : "Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui".

Pour la joie de vivre on repassera…

 

Sandrine Gaillard         
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