Comédie dramatique de Jean-Claude Danaud, mise en scène de Caroline Riche, avec Manon Barthélémy, Nicolas Rager et Caroline Riche.
Pour bien apprécier "Un ouvrage de dames" de Jean-Claude Danaud, il ne faudra pas oublier que cette pièce a été créée en 1977, en pleine vague du café-théâtre, et que son auteur n’avait pas trente ans quand il l’a écrite.
Si l’on ne sait pas qu’on est devant une pièce de "répertoire", traduite en une vingtaine de langues et jouée un peu partout dans le monde, on pourra se demander pourquoi ce trio de femmes qui vitupère le genre masculin sur un banc public se compose d’une veuve et de deux ménagères à cabas remplis de poireaux.
On pourra s’étonner qu’elles n’aient comme problèmes que la soupe à préparer ou leur mâle à satisfaire et qu’elles n’envisagent que des solutions radicales pour résoudre leurs petits ennuis domestiques.
Mais si l’on remet "Un ouvrage de dames" dans son contexte, qu’on n’ignore plus que c’est une pièce qui précède de peu "Le Père Noël est une ordure", qu'elle possède le même goût pour un rire insolent qui aime caricaturer et ne rien respecter, et qu'on présume qu'elle est écrite sous le haut patronage de l’esprit Hara-Kiri ou Charlie-Hebdo, on sera dans les conditions idéales pour s’amuser aux facéties de ses trois dames bien spéciales.
Car on est ici en présence d’une belle farce féministe années 70 où Jean-Claude Danaud ne laisse pas la bride sur le cou à ses trois mécontentes faisant face au public. Il y a là une veuve qui se considère majeure, puisqu’elle a dix-huit ans de veuvage, et qui milite pour cette condition avec conviction.
Il y a aussi une femme enrobée et mal mariée, mais tout fraîchement acquise aux vertus du veuvage, comme le contenu de son cabas en fait foi. Et il y a enfin une jeune vieille fille, platoniquement amoureuse, mais bien pratique pour le dénouement final.
Dans sa mise en scène, Caroline Riche, qui joue justement cette troisième dame du banc, a eu l’idée de renforcer la singularité du propos de Jean-Claude Danaud en poussant chacune des commères vers un personnage connu.
La "veuve noire", interprétée avec une belle conviction lapidaire par Nicolas Rager, rappellera certains rôles travestis d’Alfredo Arias ; Manon Barthélémy, la femme aux poireaux, pourrait sortir des Deschiens et rivaliser avec les envolées lunaires de Yolande Moreau ; Caroline Riche, elle, s’incarne en doublure des "Vamps" dont elle finit âr devenir la quintessence.
En faisant se rejoindre trois univers plus parallèles que cohérents, en les confrontant aux situations abracadabrantes imaginées par Jean-Claude Danaud, elle parvient à donner vie à ce divertissement macabre.
On sent une grande connivence entre les protagonistes, une complicité qu’on prendra plaisir à partager, surtout si on a un faible pour les poireaux accompagnés d’une vinaigrette relevée d'un soupçon d’humour. |