Lorsqu'on arrive au Petit Bain, la péniche amarrée au pied de la Grande Bibliothèque, sur le même quai que la Dame de Canton et le Batofar, il s'avère qu'il y a déjà pas mal de monde qui attend pour acheter son billet. La Release Party des quatre nouvelles signatures du label Les Disques du 7ème Ciel semble donc avoir attiré quelques parisiens curieux autant que de vieux fans de Theo Hakola. Ceci se ressent en regardant le public, des quadragénaires, voire des quinquas, en goguette et des vingtenaires. Par contre, les trentenaires se comptent sur les doigts d'une main. On croisait quelques connaissances rencontrées au fil des interviews et des sessions, Edward Barrow, Diego Zavatarelli et même Warren Ellis, des Dirty Three, de Grinderman et de Nick Cave and The Bad Seeds.
Les Disques du 7ème Ciel est un jeune label parisien, qui s'était fait remarquer en sortant en 2010 deux très beaux objets, des vinyles 10 inches de Birch Book et d'And Also The Trees limités à 500 exemplaires. Les deux groupes étaient venus jouer sur la terrasse de Damien, "tenancier" du label et organisateur de feu Les Concerts du 7ème Ciel qui avaient lancé la mode des concerts en appartement. L'expérience était resté sans suite jusque récemment, si ce n'est une compilation gratuite d'inédits en mp3 des divers groupes invités sur la terrasse qui reprennent chacun des chansons des autres.
Puis quatre nouveaux artistes ont rejoint le jeune label amateur de beaux objets : Maud Lübeck, Alexandre Varlet, Lolito et Theo Hakola. C'est du moins dans cet ordre qu'ils jouent ce soir-là.
Maud Lübeck a sorti La Fabrique en CD il y a quelques mois déjà, mais elle vient fêter la sortie de l'édition vinyle de son disque aux influences entre Barbara et Françoise Hardy. Seule aux claviers ou accompagnée d'un guitariste, elle déroule tranquillement les titres de son album, "Les larmes gelées", "La balançoire" ou "Je t'aimais trop" interprétée en fin de concert. Très épurés dans leur version live, les titres prennent plus d'ampleur lorsque le guitariste entre en scène. De plus, la réverb ne permet pas au public d'avoir un très bon son. Je savais déjà que je ne rentrais pas dans l'univers de Maud Lübeck sur disque, je suis resté tout autant hermétique en la voyant sur scène. C'est certainement le signe d'une personnalité bien à elle, à laquelle on adhère ou non.
Alexandre Varlet a sorti son premier album en 1998. Je me souviens l'avoir vu, déjà sur une péniche à l'époque. Il attendait les gens à l'extérieur, sur le ponton et les recevait en leur serrant la main, en échangeant quelques mots avec eux. C'était amusant et sympathique. A l'époque, il était accompagné d'un second guitariste, mais au Petit Bain, il est tout seul avec sa guitare sèche.
C'est déjà le cinquième album d'Alexandre Varlet, et aussi son cinquième label. Pourtant, il a rapidement bénéficié d'un succès d'estime, et du soutien des Inrocks pour son premier et son second album. Son set ressemble au concert qu'il a donné, il y a quelques mois, en première partie d'And Also The Trees au Divan du Monde. Sa voix est bien particulière, parfois proche des accents de Francis Cabrel. Son folk sombre et mid-tempo s'impose tranquillement. Ses textes sont extrêmement travaillés, mais la scène n'est pas le meilleur endroit pour les découvrir. Quant à la lumière rouge qu'il demande au technicien, elle convient difficilement aux photographes. Quoiqu'il en soit, Alexandre Varlet réussit un set agréable et sans accroc.
Vient le tour des lillois de Lolito, pas exactement des inconnus puisque les trois quarts du groupe composé de quatre individus composaient jadis le groupe Goo Goo Blown. Les deux garçons et les deux filles, dans le style Demoiselles de Rochefort punks, envoient une power pop acidulée super efficace. L'influence des B 52's ou d'Elastica est évidente. Si une radio passait encore de la bonne musique, chaque chanson est un single potentiel.
Puis c'est enfin Theo Hakola qui rentre sur scène. Pour lui aussi, l'album This Land Is Not Your Land est sorti il y a quelques mois. Le voici édité maintenant en double vinyle dans une pochette et avec une rondelle centrale qui rappellent les vieux disques de blues. Le design de l'objet est encore une fois absolument réussi. Quand on sait qu'il n'est édité qu'à 300 exemplaires, je ne peux que vous encourager à vous presser de l'acquérir. Theo Hakola, c'est la classe. Très droit, en costume trois-pièces sombre, son regard perçant pointé sur la table de mixage.
Les Wobbly Ashes sont en ordre de marche. Tatiana Mladenovitch, alias Fiodor Dream Dog, à la batterie, Matthieu Texier, l'ancien des Hurleurs dont l'ultime album avait été produit par Théo Hakola, à la guitare, Laureline Prod'homme, ex Candie Prune, à la basse et l'indéboulonnable Bénédicte Villain au violon puisqu'elle travaille avec le sieur Hakola depuis bientôt un quart de siècle.
Le groupe est encore plus soudé qu'il y a quelques mois à la Flèche d'Or. Les titres du dernier album s'enchaînent en commençant par "Quicksilver", "llmarinen's Lament" et "Dead Souls Singing". Sur la chanson "The West Is Dead", "la plus belle de l'album" dira mon voisin au type qui l'accompagnait. Ce sont Laureline et Tatiana qui assurent le chant féminin qui ouvre le morceau. En fin de set, "And Bleed That River Dry", extrait de l'album What fresh Hell is this ? de Passion Fodder paru en 1991, fera dire à notre chroniqueur Monsieur Var qu'il s'était pris une grosse madeleine entre les mâchoires.
Il est maintenant temps de rentrer mettre les vinyles des quatre artistes et groupes sur la platine, en se remémorant tous les bons moments de la soirée.
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