“Da, doom doom doom doom doom doom; doom doom da doom
doom doom. Rooooohhhse Maaahhhrrrry, Heeeaven restaaaawwwres you
in life. Tchak Tchak Tchak Tchak…”
La tournée des New yorkais d’Interpol
a débuté juste dans la foulée de la sortie,
en septembre, de leur second album, Antics.
Du Canada aux grandes villes américaines, puis en Europe,
Interpol fait un tour de chauffe probablement avant les festivals
de cet été.
Leur venue dans la salle magique de Philadelphie, The Electric
Factory, précédait deux dates sold out à New
York City. Le concert de Philly était aussi sold out. La
réputation du groupe a grandi, grâce à une large
couverture médiatique, dont la une du Time Out, le Pariscope
de NYC, et l’éloge de grandes références
(NY Times, Washington Post, Rolling Stones Magazine). Grâce
aussi à un matraquage, sinon publicitaire, "artistique"
avec l’ouverture, à New York, Los Angeles et Paris,
d’une galerie temporaire d’œuvres autour d’Interpol,
selectionnées par le groupe, ou effectuées par eux.
Après avoir pénétré l’enceinte,
regardé pendant un moment une vidéo de surfboard extrême,
avec des pros voyageant à la recherche de la bosse et de
la poudre, le tout dans une odeur de bretzel (on s’en fout
un peu, me direz-vous, mais disons que cela résume bien à
la fois le décalage culturel, par le sabotage d’un
haut lieu musical, et mon appréhension). La Factory ne s’appelle
pas usine pour faire tendance. Le bâtiment est un vieux hangar
désaffecté, puis réaffecté. Nouvelle
appréhension d’un son résonnant, creux et froid,
mais qui sera rapidement gommée.
On!Air!Library! investit la scène en premier, à
huit heures pétantes, pour un petit set de 30 minutes à
peine. Le groupe se compose d’un batteur et d’un guitariste,
et d’une guitariste et d’une claviériste assurant
les chants à elles deux. Leur entrée en matière
ressemble à celle hésitante d’une bande de pote
dans leur premier café-concert. A mi-chemin entre les Chicks
On Speed ou Robots in Disguise,
pour le côté electro-kitsch, et des groupes plus pop-rock,
tel que LeTigre (en pleine explosion
de ce côté de l’Atlantique. Les dix dernières
minutes sont bien meilleures en intensité et en assurance.
La voix des chanteuses, alternant leur position de chanteuse dominante,
permet un échange dynamique. Comme on dit, à suivre.
Secret Machines fut beaucoup plus décevant.
Pourtant, les 30 premières secondes étaient géniales.
Une batterie puissante, avec la grosse caisse résonnant dans
toute la salle, et des riffs de guitare courts, précis et
jubilatoires. Et puis… le chanteur s’est mis à
chanter. Et là, Secret Machines tombe dans la flopée
des groupes tournant autour de Muse ou
de Placebo, sans parvenir à la
grâce des débuts des premiers, et à l’atmosphère
oppressante des débuts des seconds. Un mauvais début,
en somme. Le groupe tente aussi de se plonger dans un trip psychédélique,
avec des chansons interminables et de longs solos de guitares lancinants.
Une entrée en matière qui n’introduit en rien
Interpol.
Autour de la sortie de leur premier album surprise en août
2001, Turn On the Bright Lights,
probablement l’un des meilleurs albums rock de l’année,
avec celui éponyme de Black Rebel Motorcycle
Club, Interpol avait effectué une courte tournée
en France, invités notamment par La Route du Rock à
Saint-Malo, décidément défricheur de talents.
De retour en Europe à l’automne, Interpol faisait
un passage en France, et leurs concerts, tendus et sombres, étaient
toutefois dominés par l’effacement du groupe derrière
la musique, une sorte d’inactivité scénique
inquiétante au regard de la puissance de leur musique. Comme
si Ian Curtis, référence
souvent citée pour la musique d’Interpol et la voix
de Paul Banks, chantait assis sur un tabouret
de bar. Seul Carlos le bassiste attirait l’attention, par
son jeu et sa coupe de cheveux excentriques, mais pas trop.
Invité logique du Printemps de Bourges, sur une affiche
peu logique, précédant Dionysos et Placebo, Interpol
avait réussi à séduire les lycéens venus
pour Bryan. Et les déjà
plus civilisés fans de Dionysos. Leur show avait gagné
en assurance, avec un Paul Banks plus accessible, et Daniel
Kessler plus expressif.
Et puis, le trou. Le vide, pas un single, juste une Black Session
enregistré au Studio 105 de la Maison de la Radio. Rien que
du réchauffé et un son pourri sur le cd. De quoi faire
patienter les fans ? Ou de quoi prendre le temps de perfectionner
le deuxième album ?
Finalement sortie en septembre de cette année, l’album
a évidement comblé certains, déçu d’autres
mais c’est le sort des deuxièmes albums que d’être
balancé d’un bac à l’autre.
Lumière éteinte, la tension monte dans le public
de l’Electric Factory. Interpol se fait attendre. Patiemment,
car le public sait à quoi s’attendre.
Le groupe investi la scène, n’a pas changé
son habillement, costards de rigueur. Un petit "Ho !"
retentit dans la salle, suivant l’entrée en scène
de Carlos Dengler, l’excentrique
bassiste (toujours lui). La mèche brune plus courte mais
toujours plaquée sur la droite, le bassiste est vêtu
d’un pantalon noir moulant trop court, couvrant à peine
le haut de ses rangers, d’une chemise et cravate blanches,
ornées d’un magnifique étui à pistolet
cuir, attaché dans le dos par une sangle en cuir. Et bracelet
de force. "Pourquoi Carlos se déguise-t-il en nazi ?",
peut-on lire sur le forum d’un web site français consacré
au groupe. Le mot est peu être un peu fort, mais disons que
le costume fait appel à un imaginaire ultra.
"Last Exit" ouvre le concert.
Le clavier presse les touches, tout le monde connaît la première
piste d’Antics, et fredonne. Dès le début, le
groupe met en scène la petite danse vue dans le clip de Slow
Hands, avec Carlos gesticulant autour de sa basse, faisant
presque corps avec elle, et Daniel Kessler s’emmêlant
dans ses pas de danse. Paul Banks demeure derrière son micro.
Critique ? Pas vraiment, car le son énorme, avec un son de
basse frisant la perfection, très fort mais ne recouvrant
pas les autres instruments, recouvre toute déception visuelle.
Le groupe a pris de l’assurance sur scène, s’est
"professionnalisé". Se la "pète"
un peu quoi.
Ensuite, le groupe replonge dans "Turn
On the Bright Lights", avec "Say
Hello to the Angels" et "The
New". Et on redécouvre avec plaisir ces morceaux,
effectués avec plus d’assurance. Pas trop de variation
par rapports aux albums, cependant, si ce n’est une version
plus rapide de "PDA".
Slow Hands, le single d’Antics, n’est pas mis en valeurs
comme un titre phare. Ce n’est pas plus mal. Le groupe joue
tous les morceaux avec la même intensité. Une petite
préférence, sur CD comme sur scène, au titre
"Public Pervert", avec son
passage instrumental qui n’est pas sans rappeler "Roland".
Après une heure de show, le groupe quitte la scène.
Le public est satisfait bien que sur sa faim. Il manque des chansons
! Roland, justement, "Evil"
et pour conclure en beauté, "Stella
Was a Diver" and "She Was
Always Down".
Un très bon Interpol. L’idée étant de
regarder les deux trois premières chansons, puis de fermer
les yeux en espérant que le son de basse sera préservé.
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