Lecture par Juliette.
"Quelle est la gourdasse qui a mélangé ses papiers ?". Pour son entrée en lecture, Juliette a choisi de jouer les fausses vraies bordéliques au langage fleuri.
Car, à l'issue de ses 90 minutes de lectures de textes qu'elle a choisis aux petits oignons, on pourra penser bien des bonnes choses d'elle, mais sûrement pas qu'elle est une "gourdasse".
Un bureau débordant de papiers et de livres, une chaise, un sofa, quelques abat-jours. C'est dans ce décor encombré qu'elle va et vient, au gré de ses envies. Elle prend un livre ou des feuilles photocopiées, s'assoit ou reste debout... Et voilà Juliette qui partage de sa voix claire, bien posée, presque prête à chanter, la clé de ses songes littéraires.
Dès le premier texte, qui porte le titre du spectacle, on comprend tout de suite qu'on est en bonne compagnie, celle de quelqu'un qui aime les livres et sait les lire avec une gourmandise malicieuse et ironique.
Son entrée en lice est donc un "Tigre Mondain" déniché dans l'Anthologie de l'humour noir, et il est signé de Jean Ferry, scénariste des "Enfants du Paradis" et grand spécialiste de Raymond Roussel, le génial papa de Locus Solus.
Quel beau début que ce voyage cruel et raffiné en compagnie d'un Tigre de papier !
Quand on a vu chanter Juliette, on n'a pas oublié qu'elle aime parler entre ses chansons, apporter quelques précisions élégantes, quelques explications argumentées sur ce qu'elle interprète. Ici, c'est en quelque sorte les pauses dans son tour de chant qui prennent le pouvoir.
Quand elle lit, Juliette se permet quelques gestes qui rappellent la chanteuse et agrémente sa lecture de quelques a parte hors texte. "Le Tigre mondain" permet alors de comprendre d'où vient l'inspiration de ses chansons, pourquoi elles sont construites comme elles le sont.
Juliette l'affirme à un moment : elle n'est pas une chanteuse réaliste, mais une chanteuse romanesque. Ce ne sont pas les clichés de la vie qui lui fournissent ses thèmes favoris, mais les vérités et les mensonges dénichés dans les beaux livres.
Et question belle littérature, on sera copieusement servi quand va rugir ce "Tigre mondain" : Maupassant, Jules Renard, Colette pour les classiques ; Buzzati, Karen Blixen pour les néo-classiques .
Et puis, Juliette se fait une joie de cuisiner des mets littéraires moins connus comme l'étonnant Max Aub, de se délecter d'un René Goscinny et des taquineries de son Petit Nicolas, sans oublier d'agrémenter le tout de quelques coquins "Pets" de choix.
Juliette promet que le menu ne sera pas fixe, qu'il y aura à chaque fois d'autres plats du soir. Ce sera l'occasion de revenir plusieurs fois à ce nouveau rendez-vous du lundi et qui devrait vite devenir le délice des boulimiques.
Attention ! Chut ! La "grande p'tite dame" de la chanson française a plus d'une histoire de tigres dans son sac pour tenir en haleine un public suspendu à des lèvres qui embrassent bien sensuellement les mots. |