Fin 2010, à l'occasion, d'une brève exposition nommée Densité, qui s'est tenue dans le Midi-Pyrénées, deux hommes essentiels dans le paysage sonore français actuel ont donné un concert unique. Deux titres créés alors nous parviennent aujourd'hui, tout aussi essentiels. Ville Nouvelle / Nouvelle ville.
Les hommes : l'un, Michel Cloup, ex-Diabologum, ex-Expérience, ex-Binary Audio Misfits, tourne actuellement avec son dernier très bel album Notre Silence, accompagné dans ce projet "Michel Cloup (duo)" par Patrice Cartier (ex-Expérience, ex-Binary Audio Misfits), lequel est également présent sur les titres dont il est ici question. L'autre : Pascal Bouaziz, est l'homme, la voix, la plume de Mendelson, dont on attend avec une impatience indicible le prochain (triple) album pour ce printemps.
Les titres. Sur la densité donc, mais surtout sur un urbanisme, un espace "mal pensé", nos villes, et nos vies dedans. Ils sont sur la durée, 8 et 11 minutes, la dureté, on s'y installe.
"Ville Nouvelle". Musique de et par Michel Cloup, texte de et dit par Pascal Bouaziz. Où l'on retrouve cette voix douce et chaude et cette vérité froide et crue. D'une ville comme une tristesse, un oubli du sens, une perte de toute envie, "dans une vie légère. Légèrement vide. En voie d'achèvement". Ou plutôt que de la tristesse, de la lassitude. Jusqu'à l'étourdissement. "Et plus la foule est nombreuse et plus tu te sens seule, désertée. Et tu restes là, sans plus de gestes, sans paroles. Prête à tout sans rien faire. A vivre comme vaguement". Cette vie unique et toute, lentement oubliée. "Et ton existence, doucement, se dissout". Le nombre et sa solitude, dans le froid des villes nouvelles. Et leurs rues "aux noms délicieux" et leurs "pelouses, espaces herbeux, délaissés, déjà sales", où "jamais personne de toutes manières ne s'imaginera un jour devoir être heureux". Ce qui fut peut-être le sel n'est plus que plâtre. Et ce goût mort dans la bouche. Et ces petits riens du tout de satisfaction qu'on prend pour du plaisir. Et ces rêves… ces quoi ?
Les nappes de guitares, de brouillard, lentes, en échos lointains, qui tonnent parfois, qui tournent souvent, comme ces bruits d'autoroutes lointains qu'on prend parfois pour la mer.
"Nouvelle Ville". Musique de et par Pascal Bouaziz et Patrice Cartier, texte de, dit et chanté par Michel Cloup. Après les tripes, l'ossature. Playtime sans Tati, ici tout n'est que "tours" et "lignes" et "lumières", où les volumes des bâtiments rejoignent les insensés sons "mélodiques et abstraits" dispensés par de "petits haut-parleurs". "Le volume augmente sensiblement avec la tombée de la nuit et la disparition progressive du bruit". Lutte contre l'absence d'ondes, toujours remplir, éviter le danger du hasard de la nuit tombée où tout peut arriver. "C'est une vie simple, sans travail, sans argent, on y circule librement", comme une bille renvoyée de paroi à paroi. Les échos de guitares se font plus froids ici, c'est le rebond sur le béton, mais "c'est une ville fictive, c'est une nouvelle ville, on peut donner le sens que l'on désire donner à ces deux mots associés", alors la guitare existe, se sature, et la batterie roule, et l'homme chante.
Et on pense au titre de Diabologum "Les angles", où l'on entendait "trop d'angles, on s'étrangle, heureusement il y a la viande, pour arrondir les angles, la viande folle à l'intérieur et au dehors".
Ces deux titres sont vendus une bouchée de pain, ces deux artistes sont sur nos routes, allez les voir, je ne sais pas si on en revient. |