Monologue dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Alfred de Musset dit par Bertrand Farge dans une mise en scène de Marie-Claude Morland.
La Compagnie du Théâtre du Trèfle bleu propose une très belle et réussie adaptation théâtrale de "La confession d’un enfant du siècle", unique oeuvre romanesque de Alfred de Musset et, de surcroît autofictionnelle, marquée du sceau du romantisme à la flamboyance désabusée de son auteur.
D'abord un parti-pris dramaturgique avec un vrai travail sur le texte, et qui le sert, afin d'éviter la lecture mise en espace ou le collage de citations et présenter une partition cohérente résultant de l'hybridation réussie de la confession frontale, du récit, du jeu et du soliloque.
Ensuite, la scénographie délicate de Elsa Belenguier, un décor simple suggérant un cabinet-salon, avec quelques meubles, un lustre sur lequel sont juchés des verres de vin rouge, joli clin d'oeil à l'éthylisme de Musset, un arbrisseau qui s'échappe du fond de scène par la croisée de tulles transparents, et les lumières en judicieux clairs-obscurs de Jean-Baptiste Henry contribuent à transcender l'espace scénique.
Enfin, sous la direction efficace de Marie-Claude Morland, un comédien au jeu incarné, à l'aise dans tous les registres dramatiques, qui investit de manière totalement crédible, sans affectation ni posture, le double de Musset qui, ayant atteint sa pleine maturité, ce que n'atteignit jamais Musset page éternel, se remémore une vie placée sous le signe, et le culte, de la souffrance morbide.
Bernard Farge porte magistralement un texte qui est à la fois une peinture du fameux mal du siècle du 19ème siècle, ce drame intérieur qui frappe une génération désenchantée, oisive et mélancolique, le portrait d'un maniaco-dépressif alcoolique confronté à un dilemme insoluble et schizoïde entre son appétence pour la dépravation libertine et l'exaltation de l'amour pur et absolu, et la narration d'une liaison dans la tradition du roman d'amour français.
Un amour placé sous le sceau du pessimisme et de la souffrance amoureuse, autant par crainte d'un amour non partagé qu'ensuite, par les affres d'une jalousie masochiste alimentée par la croyance en une atavique duplicité féminine, dont il restitue, avec une technique et une éloquence sensible parfaites, toutes les couleurs.
Il dispense une prestation de grande qualité qui participe à la fascination du spectateur et à son heureuse immersion dans l'univers romantique. |