Drame de Shakespeare, mise en scène de Jean-Yves Ruf, avec Yves Gasc, Michel Favory, Éric Ruf, Bruno Raffaelli (en alternance Laurent Natrella), Michel Vuillermoz, Christian Gonon, Loïc Corbery, Stéphane Varupenne, Gilles David, Georgia Scalliet, Jérémy Lopez, Louis Arene (en alternance Benjamin Lavernhe), Sébastien Pouderoux et Akli Menni.
Pièce atypique de Shakespeare, "Troïlus et Cressida" aborde la guerre de Troie comme un partage de l’intimité des héros-dieux de cet épisode fameux. Hector, Achille, Ajax, Ulysse, tous attendent, l’épée à la main, la reprise des combats sous les murailles de Troie.
Troïlus, jeune homme impétueux, s’éprend de la belle Cressida, qui lui cède, mais lorsqu’il s’agit de l’échanger contre un Troyen, en échange de la paix, il renonce à son amour et la livre aux Grecs pour la "raison d’Etat".
Belle pièce virile, dans laquelle la jeune fille n’est qu’un enjeu de pouvoir et de lutte, "Troïlus et Cressida", parle aussi, comme toutes celles du dramaturge, du théâtre, de ses artifices, de ses contraintes. Qui ne sont pas éloignés des mises en scène de la vraie vie, de la Guerre, de l’Amour.
Pas de rideau protecteur, dans cette œuvre, mais une exposition permanente de l’action et des intrigues. Chacun est vu et révélé, dépecé, parfois, avec une violence et une irrévérence toutes shakespeariennes.
La traduction "vulgarisatrice" d’André Markowicz, ajoute à cette vivacité du ton, malgré quelques maladresses de langue. Que serait une pièce comme celle-ci sans comédiens de génie
La Comédie-Française possède, dans cet écrin redoré de la Salle Richelieu, quelques joyaux humains au chatoiement irrésistible. Troïlus, c’est Stéphane Varupenne, merveilleux artiste, vibrant, émouvant, image même de la jeunesse ardente, épris d’une Georgia Scalliet légendaire, vraie tragédienne, Cressida bouleversante et abîmée de douleur et de foi.
Eric Ruf, noble et beau, incarne un Ulysse du Pays des blés, voix que l’on écoute bouche bée, tandis que Jérémy Lopez, terrifiant, méchant de ses infirmités, s’empare de son contraire, bouffon de Tempête, apostropheur des Grands, hurleur dans la boue, comédien exemplaire.
Loïc Corbery, brisant son masque, devient un Ajax de stade, stupide, violent, manipulable, chien excité à mordre par de mauvais maîtres : magistrale composition. En maître de cérémonie, Yves Gasc, truculent, grand ordonnateur du monde et des amours, se révèle irrésistible. Michel Vuillermoz, Hector abandonné à sa force primitive, est également excellent. Et le bonheur de retrouver Michel Favory, intact.
a mise en scène de Jean-Yves Ruf, belle, efficace, fervente, imaginative, sert l’œuvre avec fidélité. Un spectacle de jouissance et de réjouissances. |