Spectacle conçu et mis en scène par Maylis Isabelle Bouffartigue, avec Maylis Isabelle Bouffartigue et Willy Mancel.
D’un côté, un avocat pugnace, passionné, décryptant ce qu’il y a d’injuste dans ces codes solennels qui annoncent froidement le droit des étrangers, des indigènes, des esclaves, des sans-papiers.
De l’autre, "Madame la République" ou sa jumelle d’antan, "Madame la Royauté", qui énonce derrière son pupitre le droit au nom du peuple français, le justifie au nom de valeurs universelles qui ne souffrent aucune contestation.
"Madame la République" paraît parfois en colère quand l’avocat fait mouche, s’attaque aux discours successifs qu’elle a tenus. Car Madame la République/Royauté lit des discours de tous ceux qui l’ont incarné, de Louis XIV à Jules Ferry, de Nicolas Sarkozy à Manuel Valls.
Elle a toujours le verbe haut, une capacité hors du commun pour les grands principes qui cachent les petites bassesses. Toujours du côté de l’universel, mais un universel plutôt blanc et capitaliste, un universel qui croit que la civilisation occidentale est supérieure aux autres, que l’étranger en France a plus de devoirs que de droits, qu’il doit se soumettre et s’assimiler.
Maylis Isabelle Bouffartigue, qui a écrit et mis en scène "cette proposition théâtrale", a réussi dans "La mise en procès" à faire le tour complet de la face obscure du droit français.
Elle montre comment le pays des droits de l’homme a longtemps justifié l’esclavage avec le Code Noir, le travail forcé des "indigènes" dans les colonies avec le "Code de l’Indigénat" et comment, aujourd’hui, le même esprit répressif et peu accueillant règne dans le "Code des étrangers".
Même si l’avocat, interprété par Willy Mancel, quitte régulièrement son pupitre pour arpenter la scène, on pourrait s’inquiéter que les deux protagonistes soient statiques face au public et qu’ils lisent des textes juridiques ou des discours officiels.
Mais cette inquiétude se dissipera rapidement : Maylis Isabelle Bouffartigue, qui s’octroie le rôle de la méchante, c’est-à-dire celle de "Madame la République", n’est pas tombée dans un didactisme ennuyeux.
Pour peu qu’on accepte les modalités de ce "théâtre citoyen", avec un minimum d’attention, on recevra "La mise en procès" comme une mise à plat de problématiques trop souvent mal traitées par les médias.
Travail minutieux et nécessaire, la pièce se prête bien au débat qui la suit. Maylis Isabelle Bouffartigue, là encore, a choisi des intervenants de qualité, comme Olivier Lecour Grandmaison Louis Sala-Molins ou Louis-Georges Tin, dont elle s’est inspirée notamment pour nourrir les propos de son avocat.
Si l’on accepte cette formule "Dossiers du Théâtre", on ne pourra qu’apprécier cette soirée citoyenne. |