Comédie dramatique de Edward Bond, mise en scène de Christian Benedetti, avec Benjamin Jungers et Gilles David.
Le Studio-Théâtre, une des scènes de la Comédie-Française dans les sous-sols du Louvre, a pour vocation essentielle de présenter des textes forts, contemporains, hors du rôle de conservatoire qui est principalement le rôle de la Maison de Molière.
Un appartement dans une ville trop éclairée. Des bruits de porte forcée, des cavalcades, du pillage. Un jeune voyou fait face à un vieillard. Lui parle trop, la victime pas du tout. Qui a le plus peur de l’autre ? Et qui est en demande ?
On songe évidemment à cette violence d’ "Orange mécanique", autre œuvre britannique. La fascination pour la violence gratuite, sa beauté mortifère, sa résolution définitive face au flou du monde moderne, constitue un des grands thèmes du théâtre du XXème siècle.
Edward Bond, presque octogénaire, s’y plie dans "Existence", y ajoutant l’incommunicabilité, autre thème récurrent, et, ici, la rencontre impossible.
Le "monte-en-l’air", c’est Benjamin Jungers, comédien excellent, qui incarne cette petite frappe avec justesse, force, tremblement, angoisse, terreur devant la vie qui l’attend, brève, dérisoire, pentue. On devine la sueur, la solitude, la vanité de cette effraction et son issue fatale. Bravo, tout cela dans une obscurité voulue.
Face à lui, le vieil homme ligoté et très attentif, c’est Gilles David, autre grand, au rôle plus qu’ingrat et qui n’exige pas de lui cette diction parfaite des gens de la Maison.
La traduction de Michel Vittoz affronte l’impossible : convertir en français les éructations "cockney" d’un loubard de banlieue anglaise. Le talent de Jungers, son phrasé saccadé sauvent tout.
La mise en scène anxiogène de Christian Benedetti convient à la situation. Le cœur bat, l’oreille s’ouvre, l’œil se dilate. Le public est pris. Aucun espoir au bout de la nuit. C’est le vieux message de ce XXème siècle défunt. On ne l’oubliera pas, grâce à Monsieur Bond. |