Comédie de Copi, mise en scène de Martin Vielajus et Mélina Vernant, avec Audrey Lamarque, Guillaume Toucas, Perrine Demartes et Alexandra Robin.
Attention ! Ici, on ne va pas communier au mythe d’Evita. On ne va pas chanter "Don’t cry for me, Argentina" et pleurer sur les malheurs de la "Sainte" femme du général Peron, celle qui est devenue un mythe à mi-chemin de Marilyn Monroe et de Mère Teresa.
Copi, issu d’une famille en exil pour anti-péroniste, ne pouvait pas croire à la légende dorée de celle qui était "adulée" par le "petit peuple" de Bueno Aires. Quand il écrit son "Eva Peron", en 1969, Juan Peron est loin de l’Argentine. Mais la rumeur de son retour s’amplifie. C’est donc à la destruction systématique de l’icône morte d’un cancer en 1952 que va procéder Copi.
Dans une précédente version, montée à Chaillot avec Marilu Marini dans le rôle-titre, Alfredo Arias tirait la pièce de Copi vers la tragi-comédie et n’allait pas jusqu’à la farce, trop concerné sans doute par le sujet. Martin Vielajus et Mélina Vernant, eux, n’ont pas cette réticence et poussent à fond "Eva Peron" vers le comique et la caricature.
Ordurière, nymphomane, avide et sans scrupule, Eva Peron, dans son intimité, est un personnage odieux, un tyran domestique bien pire que son général de mari. Celui-ci, fantoche falot, n’a même pas l’honneur de la scène. Il est off, comme dans son existence de pantin de l’oligarchie.
La petite scène du Théâtre du Marais, encombré de valises et de gerbes de fleurs envoyées par ses admirateurs qui croient leur idole déjà morte, est parfaite dans sa proximité pour montrer cet intérieur confiné, surchauffé de haine et de bêtise, dans lequel le mythe, premier mythe politique fabriqué par les techniques de communication naissantes, paraît déjà mangé aux mites…
Sur une des malles qui fait office d’écran télé, des images de l’époque de l’agonie et de l’enterrement d’Eva défilent. Belle astuce qui permettra au public pas forcément fin connaisseur de l’histoire compliquée des juntes militaires argentines de comprendre combien la figure d’Evita déplaçait les foules et était un enjeu politique majeur.
En Eva Peron, Perrine Demartres est très convaincante. Le trio qui l’accompagne dans sa feinte agonie est au diapason. Guillaume Toucas, Audrey Lamarque et Alexandra Robin sont emportés dans le délire paranoïaque de cette "sainte salope".
Chacun s’amuse visiblement dans ses habits de conseiller âme damnée, de mère vorace sans amour et d’infirmière esclave vampirisée par la blondeur d’Evita. Comme dans tout bon conte, tout finira par un compte en Suisse et une substitution d’identité presque hitchcockienne.
Bref, on s’amuse de bout en bout dans cette adaptation qui montre une fois encore que Copi était un vrai auteur de théâtre. Raison de plus d’aller absolument partager ce moment où, là c’est sûr, on ne va pas pleurer pour Evita… |