"Quand tu joues de la musique, fais-le avec le coeur". La musique se joue avec le cœur. Ses battements sont le tempo et toutes ses notes circulent dans nos veines. Alors que la foule remerciait de toute son âme Femi Kuti, je repensai à ce que dit à raison, chaque semaine, mon cher professeur de basse.
Femi Kuti a hérité du royaume de l'afrobeat et le défendre n'est pas chose aisée. Quand on entend "Kuti", on pense forcément à Féla. Etre "fils de" ne doit pas être chose aisée, surtout quand ce père incarne - à jamais - une figure politique et musical aussi forte. Fela Kuti a créé, de ses propres mains, ce genre emprunté aux rythmes typiques africains yoruba, mais aussi jazz, funk et le highlife. Un berceau nigérian pour une musique devenu mondiale.
L'afrobeat, c'est aussi le fait du batteur et ami de Fela, le remarquable Tony Allen. C'est une rythmique particulièrement vivante, qui fait vibrer. Derrière le chef d'orchestre Kuti, les musiciens sont nombreux, des cuivres, des percussions et des guitares. L'ensemble joue une musique vrombissante. Peu d'accords mais beaucoup de vie. Les morceaux pourraient être considérés comme des tableaux constitués de bouts de décor qui font des va-et-vient, apparaissent et disparaissent. On la reconnaîtrait entre mille. L'Afrobeat est surtout une musique engagée, faites de paroles furieuses et dénonciatrices.
Est-ce par tradition "griot", par tradition familiale ? Femi Kuti maintient ce temple de l'Afrobeat en l'inscrivant au XXIème siècle, de la même manière que le faisait son père. La musique est utilisée comme un vecteur. Il s'en sert pour dénoncer les maux actuels, de l'Afrique et du monde entier : la corruption, la politique dictatoriale, les multinationales... Ces revendications, ne sont-elles pas, d'une certaine manière, les fondamentaux du genre.
Sur scène, Femi Kuti est un chef d'orchestre consciencieux et emporté. Il bat la mesure, arrête la musique, la fait redémarrer, met fin aux phrasés explosifs de sa vingtaine de musiciens et danseuses. Comme si, lui seul, détenait la clé des morceaux. Comme si, lui seul, pouvait contrôler l'âme qu'il devait se dégager de l'ensemble. Sa musique, il la vit, du début à la fin, de tout son corps.
C'est finalement un chef d'orchestre en intensité. Musicalement, le style reste de l'afrobeat, comment pourrait-il en faire autrement ? Femi Kuti, pour autant, le re-façonne à son goût, essayant différentes expérimentations, parfois plus reggae, parfois plus jazz.
Du reste, le spectacle est mené d'une main de maître et prestigieux de tradition. L'orchestre que mène Femi Kuti, dans ses habits traditionnels, ouvrent et clôturent le spectacle.
Les danseuses sont vibrantes, du début à la fin, croquées par des centaines d'yeux à la ronde. Bref, un spectacle qu'il fait bon de vivre. Le résultat ? Une foule en délire, souriante du début à la fin. Le concert terminé, danseuses et musiciens reviennent remercier le public. Le message s'est diffusé dans le public et celui-ci lui rend en retour.
L'Afrobeat, bien qu'éternellement engagée, reste une musique qui vient des tripes mais une musique ensoleillée. Kuti "ne peut être tuer par la main de l'homme" et ce concert l'a encore démontré.
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