Comédie dramatique de Ivan Alexandrovitch Gontcharov, mise en scène de Volodia Serre, avec Yves Gasc, Céline Samie, Guillaume Gallienne, Nicolas Lormeau, Marie-Sophie Ferdane et Sébastien Poudéroux.
Représentée pour la première fois à la Comédie-Française, la pièce écrite par Ivan Alexandrovitch Gontcharov, un des pères du roman russe "social et réaliste" permet l’incarnation d’un type d’homme particulier, "l’Oblomov", condensé de rêveur lymphatique et de philosophe du non-vouloir.
Oblomov, propriétaire terrien vivant loin de son domaine, à Saint-Pétersbourg, passe ses journées à dormir et à quereller son vieux serviteur, ramolli par les ans et l’exemple de son maître. Il ne désire plus rien, craint tout changement, attend la mort qui le libérera de la maladie de la vie.
Surgit Stolz, homme de projets, entrepreneur frénétique, ami de la nouveauté, qui tente de secouer son vieil ami. Il lui propose de gagner la France, de rencontrer une jeune fille, Olga, qu’Oblomov aimerait certainement. La rencontre se déroulera merveilleusement. Et pourtant…Oblomov pourra-t-il soulever l’atlas de ses habitudes ?
Pièce si authentiquement russe qu’on devine la difficulté de la traduire, c’est en langage très courant qu’André Markowicz s’en est emparée avec de lourdes redites dignes des hommes politiques ("La vie, elle est…au lieu de : La vie est"). Malgré ce handicap, le texte est si riche et vrai que le charme opère.
La mise en scène de Volodia Serre est superbe de beauté (les Russes l’osent encore) et d’invention. La vidéo, merveilleusement maîtrisée, n’est pas ce cafouillage grisâtre et moucheté que l’on voit si souvent, mais une invention picturale bouleversante, au service de la progression dramatique.
Quant à la troupe, le bonheur d’une distribution exemplaire réjouira chacun. Guillaume Gallienne est un Oblomov affecté, dolent, pusillanime, grandiose de puérilité et d’impuissance. Jamais ce comédien n’a osé chercher aussi profondément dans sa propre "étrangeté" de quoi nourrir ce personnage exaspérant et perdu.
Autour de lui, Nicolas Lormeau, excellent, comme toujours, compose un "personnage secondaire" de premier plan. Stolz, un peu vulgaire dans son agitation à être moderne, est bien investi par Sébastien Poudéroux qui secoue parfois un peu trop les bras comme dans les téléfilms américains.
Marie-Sophie Ferdane, quant à elle, révèle un Olga aux sentiments forts, avec un jeu manquant légèrement de féminité, mais peut-être cette jeune fille des temps nouveaux en est-elle dépourvue ? Mention spéciale à Yves Gasc, excellent en vieux valet bougon et rabroué, irrésistible de drôlerie.
Superbe production intelligente et belle, "Oblomov" comble, émeut, s’impose. |