Comédie de de Salomon Mosseri, mise en scène de Michaël Msihid et Marion Mercier, avec Laurent Brusset, Gérard Cheylus, Mathias Kellermann, Ludovic Lemarchand, Pauline Nadoulek, Corinne Redlich et vec la participation de Maryan Liver.
Dans la lignée burlesque des dramaturges russes de l'ère soviétique condamnés pour "pessimisme philosophique" tel NicolaÏ Erdman et de ceux plus contemporains des ex-pays totalitaires satellites comme Matei Visniec et de l'épique brechtien, Salomon Mosseri a écrit une comédie farcesque et délirante qui brocarde le culte de la personnalité, sape le mythe de l'idéal communisme et caricature la dictature par le prisme de l'absurde.
Rien de moins avec "Amour, Révolution & Lapin à la moutarde", dans lequel bien évidemment toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite, qui transporte le spectateur dans un pays imaginaire où se déroule une processus d'effacement et de reconstruction de la mémoire collective sous l'égide d'une bienheureuse et lobotomisante pensée unique alors que couve la sédition.
Et comment y vivre quand on est épris de liberté et de surcroît un artiste ? Stitz Prokofiev (Laurent Brusset désopilant), le personnage principal dont Salomon Mosseri propose de suivre le périple politique, est un artiste autoproclamé qui pratique la provocation picturale et rêve de révolution démocratique.
Il résiste donc à sa manière à la dictature instaurée par le Grand Frère Samuel Bogdanov, hybride du Grand Timonier et du Petite Père des peuples, dont le bras armé est le puissant Vania Yankilevitz chargé du Ministère de la justice et du reality show (Mathias Kellermann impérial) qui n'est autre que l'Oncle Vania de de sa pragmatique épouse (Pauline Nadoulek piquante), éprise de son "tonton" et sensible aux avantages et aux charmes discrets de la Nomenklatura, qui est chargée de l'instruction des procès politiques.
A défaut de se pratiquer l'art officiel en acceptant de regagner les rangs des artistes de la patrie, il doit se contenter, comme son ami Fritz (Ludovic Lemarchand cocasse), d'un petit emploi de dépoussiérage du labyrinthe administratif.
Mais au cours de son ultime périple, il retrouve son ancien professeur d'université destitué et réduit à occuper un emploi de garçon de café (Gérard Cheylus parfait en figure tutélaire) et rencontre une patriote éméchée (Corinne Redlich loufoque) qui l'incitent à passer à l'action.
A la mise en scène, Michaël Msihid a opté pour le registre de l'humour à froid qui agit comme un bienvenu exhausteur de goût de la satire portée par cette fabuleuse et jubilatoire pépite dadaiste qui procède d'un réussi collage "constructiviste" imbriquant références et détournements culturels de Viva la revolucion à la série télévisée "Amicalement votre" en passant, entre autres, par "Orange mécanique" de Stankey Kubrick et les comédiens, au jeu irrésitible, sont tous au taquet.
Et le lapin à la moutarde ? Non, il ne s'agit pas d'une "arlésienne" mais du plat préféré de l'Oncle Vania dont la recette customisée ne doit pas être prise au pied de la lettre... quoique... Sait-on jamais ?
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