On ne va surtout pas se mentir, comme dirait mon ami Arthur, que l'on surnomme affectueusement "Tutur" – enfin, ça n'est pas vrai, on ne le fait pas, ça n'est que moi, et encore, très rarement, et sur le ton d'une ironie glaciale pleine d'un humour assez élaboré dont j'ai le secret, quoiqu'il ne soit pas toujours bien compris : je n'aime pas tout dans le monde de la musique, et pas seulement au sens, bien naturel, on aura la générosité de le reconnaître, où j'aurais mes préférences, strictement personnelles, mais au sens où certaines choses me semblent déplacées, de mauvais goût, au point que j'en viendrais à me dire que le monde, justement, et je ne parle pas du seul monde de la musique, mais bien du monde en général, du tout ordonné des choses qui concernent l'homme, et la femme, c'est-à-dire l'humain, serait un bien meilleur endroit si elles n'y existaient pas, comme par exemple les chroniques trop bavardes, pleines du plaisir vain du chroniqueur à s'écouter parler, même à l'écrit, ou les chroniques non nécessaires, qui ne feraient qu'aligner des mots alors même qu'il pourrait n'y avoir rien à dire, comme précisément le font parfois certaines œuvres elles-mêmes, qui n'apportent rien à l'auditeur, non pas seulement au sens où elles n'inventent rien, où elles ne révolutionnent pas le monde, musical ou autre, où elles n'ouvrent pas de nouvelle brèche à creuser, explorer, de nouvelle niche où créer, car on n'a pas toujours besoin d'une révolution, mais bien au sens où le spectateur, l'auditeur, le lecteur, semble ne rien avoir à en retirer, pour lui, qui lui parle de lui, qui lui parle, tout au moins, à lui, et ces œuvres, de façon troublante, sont parfois loin d'être détestables, elles peuvent même se parer d'atours adorables, se donner de beaux airs, cela ne change rien : on sait toujours qu'elles sont vides, ou plutôt, on n'a pas besoin de le savoir, elles s'évanouissent, se laissent oublier, instantanément, il n'en reste rien, pas même le souvenir d'une joie, d'une émotion, ni même le souvenir d'un souvenir, rien, et c'est bien peu, et vous en conviendrez, et je me demande justement si ce n'est pas le problème avec L'homme dont les bras sont des branches, le nouvel album de Daran, parti dormir au Québec et qui revient avec une livraison presque lyrique et presque variété aux textes un peu affectés mais qui manquent un peu de consistance voire donnent l'impression de chercher le truc, la formule, le refrain, un album probablement trop conscient de lui-même, où ne transpire pas l'urgence, mais plutôt la démarche, délibérée, créativement contrôlée, sans feu, sans fougue, quelque peu apprivoisée.
On le sait, pourtant, qu'un jour Daran... |