Je me suis dit : encore un de ces hypocrites qui montrent l’école du doigt parce c’est bien connu, tout est de la faute de l’école : l’obésité, l’incivisme, le chômage, la crise… Et qui dit faute à l’école, dit faute aux enseignants alors que franchement, ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont ! Bref, La guerre aux pauvres commence à l’école, disait Ruwen Ogien.
N’ayons pas peur des mots : puisqu’il est philosophe et directeur de recherches au CNRS, c’est un érudit (vu que ça m’étonnerait qu’on arrive là en se roulant les pouces). Et il joue bien en mettant en tout petit Sur la morale laïque en presque sous-titre de son essai.
Partant du postulat que chaque ministre de l’éducation nationale a une lourde charge sur les épaules, de laquelle il se dé-fardeause à grand coup de petites phrases et de titres-chocs, Ruwen Ogien renvoie à Monsieur Peillon son "non mais, les gars, il faut remettre l’enseignement de la morale laïque au goût du jour, du CP à la fin du lycée, que la morale laïque soit un module à part entière, avec évaluation de compétences… hein, les gars ? C’est cool non ?".
Oui, les gars ont trouvé ça trop cool, c’est vrai que les gamins en folie d’aujourd’hui ne comprennent rien, ne respectent rien, il faut couper le mal à la racine : l’école ! Comment : la morale Laïque ! Trop la classe Peillou ! Et c’est là que Owen Ogien approche à petits pas et dit le plus simplement du monde : "oui mais c’est quoi la morale laïque ? Parce que vous êtes d’accord que ça ne veut rien dire non ?".
Pas à pas, mot à mot, chapitre après chapitre, Owen Ogien déracine l’idée ploutocrate : les conflits de valeurs morales seraient à l’origine des inégalités sociales problématiques de notre société. En d’autres termes : avant, on enseignait la morale à l’école à grands coups de maximes rabâchées à longueur de temps, histoire d’ancrer dans ces petits crânes une valeur ajoutée chair à canon sacrificielle en cas de guerre, en cas de crise ou de victoire de la gauche...
Oui mais maintenant, la morale enseignée telle quelle n’a plus d’intérêt (je confirme, seul le port de l’uniforme suffit !). L’instruction civique est déjà enseignée à l’école, alors pourquoi une loi Peillou-Peillon pour une morale laïque ? Pour la différencier d’une morale religieuse ? Laïque pour dire une morale commune ? Mais ce n’est pas évident de trouver une morale commune tout de même (c’est la recherche qui le dit !). Et puis la première socialisation (avant l’école) n’est pas l’interaction familiale ?
Parce que la morale, c’est un gros mot pour exprimer un ensemble de principes, d’abord établis par les religions, du genre : tu ne tueras point. Donc ça commence pour soi, en famille, en société, et le meilleur rassembleur de société est l’école. D’où "eh les gars… Morale… Ecole… Laïque". Logique (parce que Peillou n’est pas trop débilitos non plus, mais il a besoin de marquer son territoire lui aussi, et ce gros mot "morale laïque" a déchainé les médias, j’imagine qu’il a eu la paix pour réformer autre chose après (les 9 demi-journées, oui !).
Et pour en revenir à Ogien : pourquoi la guerre aux pauvres ? Parce que la pensée gauloise nous rend responsable de notre sort, en gros, t’es pauvre : c’est de ta faute. T’avais qu’à écouter à l’école, t’aurais un meilleur métier. C’est un peu caricaturé, mais ce n’est pas loin du vrai.
Voilà. Un petit bouquin rouge, un essai efficace, on est d’accord ou on ne l’est pas, mais on lit pour se faire une opinion basée sur des arguments solides. A lire comme une leçon de pédagogie. |