Toujours beaucoup de monde pour ce festival de formes courtes lancé par Benjamin Bellecour il y a quelques années et dont c’est déjà la 7ème édition. Un public de connaisseurs mais aussi de curieux venus découvrir du théâtre en format plus digeste.
Surtout quand il s’agit d’enchaîner 5 spectacles quasiment à la suite, si ce n’est entre chaque pièce, une pause imposant un ballet de vidage et remplissage de salle des plus folkloriques, qui ressemble un peu dans le hall du Ciné 13, au marché du dimanche. On salue le boulanger, la fleuriste et on y retourne.
Sur le contenu, là encore chacun trouvera de quoi se rassasier, avec des styles (et des niveaux) très différents.
Les soirées plaisantes
Ecriture collective, mise en scène de Irwin Königsberg et Guarani Feitosa, avec en alternance, Clément Beauvoir, Moustafa Benaïbout, Olivier Berhault, Barbara Bolotner, Rosa Bursztein, Louise Coldefy, Guarani Feitosa, Gabriel Ibanez Weill, Irwin Königsberg, Roman Kossowski, Julien Lecannellier, Lorraine de Sagazan et Solène Rossignol.
On démarre avec "Les Soirées plaisantes", une création collective mise en scène par Irwin Königsberg et Guarani Feitosa qui nous fait entrer dans la réunion du corps professoral d’un collège, à la rentrée scolaire.
C’est frais (peut-être un peu trop pour le texte qui n’est pas le point fort de cette capsule) mais emmené par une bande de comédiens qui s’amusent (certains trop en perdent leur personnage, c’est dommage) et nous font passer un bon moment grâce à une galerie de portraits plutôt bien vus et savoureux (le nouveau professeur brésilien, la prof de lettres dépressive, le prof de gym…).
Ils nous servent en dessert un mémorable "rap de la cantine" ou comment donner aux jeunes le goût pour le nouveau self 100% bio. L’énergie de cette petite bande donne l’impression qu’ils pourraient tenir une heure et on a hâte de pouvoir le vérifier…
L’inappétence
Comédie de Raphaël Spregelburd mis en scène par Adrien Melin avec Sol Espeche, Robin Causse, Julien Cheminade, Laurent Ferraro et Jeanne Arenes.
"L’inappétence" de Rafael Spregelburd mis en scène par Adrien Melin (qui avait monté un intéressant"Vernissage" de Vaclav Havel) nous entraîne dans un univers étrange que Martial di Fonzo Bo avait si bien su mettre en scène avec le très réussi "Lucide" du même auteur argentin.
Ici, l’errance d’une bourgeoise mis en parallèle avec la guerre en ex-Yougoslavie pour laquelle sa fille veut s’envoler démarre bien mais s’essouffle par la faute d’un scénario très alambiqué et surtout trop bavard.
C’est acerbe et politiquement incorrect mais la mayonnaise ne prend pas. Gageons qu’en version longue, cette histoire pas évidente à saisir, gagnerait en densité et qu’on y distinguerait sans doute mieux les enjeux.
On notera l’interprétation toute en finesse de Laurent Ferraro ("Masques et nez") qui a lui seul, dans le rôle du mari minable, vaut le déplacement.
Garance et le Docteur Q
Comédie écrite et mise en scène par Eloïse Lang, avec Camille Cottin et en alternance, Christophe Corsand et Guillaume Denaiffe.
Avec "Garance et le docteur Q", Eloïse Lang annonce clairement la couleur : une jeune femme un peu coincée fait appelle à un sexothérapeute pour l’aider à devenir "une femme libérée" afin de plaire à son petit ami. Les changements sont un peu longs à se dessiner mais surviennent enfin.
Les deux comédiens parviennent (avec l’aide de répliques parfois très pertinentes) à nous tenir en haleine. La toujours très juste Camille Cottin sauve un personnage un peu trop mono-expressif. Quant à l’excellent Christophe Corsand ("La Maîtresse en maillot de bain"), d’une sobriété exemplaire, il joue avec flegme et ironie le thérapeute.
Quelque chose à voir avec l’éternité
Comédie dramatique de Jean-Philippe Noël, mise en scène de Jean-Paul Bordes, avec Jean Paul Bordes, François Sienner et Jean Paul Comart.
"Quelque chose avec l’éternité" de Jean-Philippe Noël, mis en scène par Jean-Paul Bordes nous fait enfin voyager. Vraiment ! Nous voilà en 1508 dans la Chapelle Sixtine où le pape Jules II presse Michel-Ange d’achever sa fresque sur la voûte. C’est fin, documenté, le verbe est recherché et les personnages sont tous les trois bien dessinés.
Les rapports entre l’artiste et l’église sont traités avec verve et style, c’est un régal. Un spectacle brillant et remarquablement interprété par François Siener (magistral en Michel-Ange), Jean-Paul Bordes et Jean-Paul Comart.
La dernière demie heure
Comédie de Julien Chavanes, mise en scène de Salomé Lelouch, aec Hervé Dubourgeal, Bertrand Combes et Ludivine de Chastenet.
"La dernière demi-heure" de Julien Chavannes rappelle un peu le formidable "Chute d’une nation" de Yann Reuzeau qui évoquait déjà la campagne présidentielle.
Ici, l’auteur centre son action sur la demi-heure qui précède les résultats de l’élection. Nous sommes au Q.G du candidat. Celui-ci interprété avec finesse par Bertrand Combes recevra (ou du moins le croira-t-il) la visite de son adversaire du jour (joué avec mordant par Hervé Dubourjal), venu rejouer le débat. Et Ludivine de Chastenet fait une parfaite directrice de campagne, ironique et ambitieuse.
Tous les trois sont formidables dans cette pièce tantôt drôle, tantôt caustique qui démonte les arcanes du pouvoir. Remarquable d’efficacité par la grâce d’un auteur doué et d’une interprétation sans faille, elle recèle également un dénouement imprévisible. |