Monologue dramatique de Copi dit par Claire Ruppli dans une mise en scène de Roberto Platé.
C'est une belle addition de talents qui se retrouvent sur la scène du Théâtre du Petit Hébertot.
À commencer par Claire Ruppli. Pantalon et veste blanches, elle est l'Uruguayen. La bouche trop maquillée de marron, elle arbore le sourire figé en rictus du "Joker" dans "Batman", et entre en scène avec son chien en laisse. Il s'appelle Lambetta et est interprété par un automate très mignon.
Rangé derrière, le phallus géant, peint couleur or, qui occupe le centre de la scène, il passera bientôt de vie à trépas et finira empaillé...
Car le texte débridé de Copi est propice à beaucoup de métamorphoses et de tours de passe-passe. Post-surréaliste, ami et complice d'Arrabal et de Topor, le dramaturge touche-à-tout argentin a écrit directement en français ce roman constitué de lettres envoyées au président argentin par l'Uruguayen, parti à Montevideo, capitale d'un État qui, comme la Pologne du Père Ubu, n'existe pas ou plus.
Roberto Platé, ami de Copi qui a mis en scène "L'Uruguayen" s'est amusé à concevoir un dispositif paradoxal : pendant que Claire Ruppli interprète le texte, celui-ci défile en espagnol sur un écran blanc qui occupe tout l'arrière-plan scénique. De l'écran blanc jaillissent les mots de la langue originale de Copi, mais ces mots-leurres ne sont là que pour donner la preuve de la fausse-vraie "uruguayité" de Copi.
Texte savoureux, navigant dans les eaux de l'improbable, "L'Uruguayen" contient tout l'univers grinçant de Copi. On y lit son goût pour l'excès, le grotesque, le rire énorme. Claire Ruppli restitue à bonne allure ce flot de mots contradictoires, ce tête-à-queue qui tient du cadavre exquis et de la farce triviale.
On s'amusera du clin d'oeil post-mortem que fait Copi à un siècle qu'il n'aura malheureusement pas connu, lui qui avait anticipé l'existence d'un pape argentin... Un pape un peu malmené pour ne pas écrire plus... C'est dire toute l'actualité anachronique de l'oeuvre de Copi qui ne perd pas au change d'être dite plutôt que lue.
On n'oubliera pas, évidence des évidences, de saluer le travail lumineux de Jacques Rouveyrollis et l'on ne regrettera pas d'avoir passé ce moment dans l'ailleurs uruguayen du plus français des Argentins.
Grâce à Roberto Platé et Claire Ruppli, Copi quitte définitivement le purgatoire dramaturgique. Bonne nouvelle pour ceux qui aiment la chose théâtrale. |