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Théâtre National de l'Odéon  (Paris)  mai 2013

Comédie dramatique de Molière, mise en scène de Jean-François Sivadier, avec avec Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon, Anne-Lise Heimburger, Norah Krief, Christophe Ratandra et Christèle Tual.

"Should I stay or should I go". C'est au son des Clash et sur les pas de danse endiablés d'un Alceste en kilt et en colère, faisant voler les chaises sur scène, que s'ouvre "Le Misanthrope" de Molière vu par Jean-François Sivadier.

Dès cette introduction, énergique et décalée, on comprend qu'on n'assistera pas à une énième version sombre, dans la veine de la tradition classique instaurée par Rousseau, du combat d'un héros aux sentiments purs, malmené par un monde vérolé habités d'hommes d'une rare méchanceté.

Le Misanthrope de Jean-François Sivadier n'est pas en colère à véritablement parler : il est révolté. Il a une vision. Il veut être entendu. Il est comédien refusant de "jouer" mais sans se départir des vers et de leur formalisme. Il est homme à vouloir se retirer du monde mais sans quitter le centre de la scène. Il est fort de ses convictions mais faibles par ses sentiments.

C'est un homme, c'est un enfant, et peut-être finalement un adolescent ingérable qui cherche à prouver au monde qu'il a tort, pour se rendre au final compte que le problème vient de lui. Et qui tourne en rond.

Le côté imprévisible et pulsionnel d'Alceste, exacerbé par un Nicolas Bouchaud particulièrement en verve, donne à ce Misanthrope une urgence presque intenable et qui cloue le spectateur dans un suspense pourtant quasiment inexistant de part l'intrigue. C'est qu'on a la sensation que tout pourrait arriver, à tout moment.

Ce qui n'est pas tout à fait faux. Jeux de lumières, jeux d'eaux, jeux de matières, musique rock ou baroque, costumes démesurés ou dépareillés confectionnés par Virginie Gervaise et Cécile Kretschmar, pluie de cotillons et stroboscope, pantomime ou combat de coq, Jean-François Sivadier assisté de Véronique Timsit à la mise en scène et de Daniel Jeanneteau pour la scénographie signe une œuvre déjantée, qui s'éloigne de la tradition classique pour mieux la rappeler par petites touches, et s'en amuser.

La réalisation, ultra léchée, est pensée dans les moindres détails. Il n'est pas jusqu'à l'utilisation des chaises (entassées sur scène, montées en lustres baroques, ou transformées en carrosse improbable et brinquebalant) qui ne soit un rappel à un élément de l'univers de Molière ou de son époque, puisqu'il paraît que Molière avait coutume d'ouvrir son Misanthrope en cassant une chaise sur scène.

Robes de princesses et perruques poudrées côtoient les vestes en velours et les bas résilles, tandis que des fontaines, dans un esprit très Lenôtre, s'animent au milieu d'un désert de graviers noirs, apocalyptique et lunaire.

Mais le véritable contrepied de Jean-François Sivadier et de sa troupe, est d'avoir fait ressortir tout le potentiel comique d'une œuvre qu'on a longtemps pris (trop?) au sérieux, peut-être du fait de son sujet, ou de part le manque de recul sur lui-même du personnage principal.

Il semble pourtant que Molière n'a jamais fait autant preuve d'auto-dérision que dans le Misanthrope, ni ne s'est jamais autant servi de l'humour pour atteindre les cœurs et frapper les esprits. Rappelons que l'œuvre fût rédigée à une époque où, en procès pour son Tartuffe, et mis au bans d'une cours sentant la faveur tourner, Molière était largement cocufié par sa jeune et coquette femme, Armande Béjard, à qui il fit tenir le rôle de Célimène!

Bouffonneries, double sens, comique de situation, la richesse du texte est exploitée à son maximum, les intentions scrupuleusement étudiées et minutieusement rendues grâce à l'interprétation impeccable d'une troupe parfaitement rodée.

Ainsi Philinte (Vincent Guédon) fait tout autant preuve d'un accommodement bienveillant vis à vis de la nature humaine, que d'une résignation éclairée qui tend parfois à la vraie misanthropie et on ne sait guère si Alceste l'amuse ou l'exaspère.

Oronte (Cyril Bothorel) dans un registre de bouffonnerie tiré à l'extrême, est maniéré à souhait, sans qu'une seule intonation pourtant ne soit fausse ou exagérée, ce qui relève de l'exploit vu le parti pris pour ce rôle. Eliante (Anne Lise Heimburg) nous touche par sa grâce ingénue teintée de brusquerie tandis qu'Arsinoé (Christèle Tual) nous apparaît autant comme une âme noire que comme une combattante ayant enfin trouvé en Célimène (Norah Krief) une adversaire à sa taille.

Véritable mise en abîme du théâtre et de l'acteur qui doit sans cesse trouver la juste mesure entre l'intention et le formalisme des mots qu'il empreinte à d'autre, ce Misanthrope vu par Jean-François Sivadier est un pure moment de bonheur théâtral, une "pépite" de la scène moderne comme on en voit peu.

Il y a certes, derrière cette pièce la contribution de nombreuses personnes talentueuses, doublé d'un travail conséquent, mais aussi ce petit quelque chose en plus, cette étincelle, fragile, aléatoire, et qu'on pourrait nommer la grâce.

 

Cécile B.B.         
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