Adaptation théâtrale de l'oeuvre et de la vie du photographe Pierre Molinier par Bruno Geslin et Pierre Maillet, mise en scène de Bruno Geslin, avec Pierre Maillet, Elise Vigier et Nicolas Fayol.
Bruno Geslin, vidéaste, photographe et metteur en scène, et Pierre Maillet, comédien et metteur en scène, ont conçu un spectacle pour le moins atypique, fascinant, et subversif, qui revisite le biopic à l'aune de l'hommage et du tribute autour de la vie et de l'oeuvre de Pierre Molinier, un des précurseurs de l'art corporel.
Une personnalité hors normes, et ce d'autant plus qu'il est né avec le 20ème siècle dans la province du sud-ouest loin du Tout Paris désinhibé des Années Folles.
Peintre en bâtiment et artiste autodidacte, sa vie est son oeuvre et inversement car, au-delà de ses recherches esthétiques sur le photomontage et l'autoportrait ordonnées autour du fétichisme des jambes, des pratiques fétichistes et du travestissement, il est à la fois le sujet et l'objet d'une sexualité obsessionnelle liée à la jouissance comme unique véhicule de l'être au présent, de la commémoration et la conjuration de la mort : "Jouir pour accéder au paradis immédiat de la petite mort et laisser une trace dans l'infini du temps".
Dans "Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée...", avec la complicité de la comédienne Elise Vigier et du danseur Nicolas Fayol qui sont les deux faces mâle/femelle d'un idéal corps ambivalent et doubles fantasmés de l'artiste, elle image sacrée d'une féminité magique, lui corps superbe de l'écartèlement de l'intime, Pierre Maillet, lui aussi en corseté, jambes gainées de bas noir et stilettos, donne une incarnation troublante et jubilatoire du libertaire qui prônait la transformation du monde en immense bordel, de l'homme facétieux dont l'accent chantant apporte une tonalité tragi-comique à ses confidences sulfureuses et du narcissique versé dans l'autoérotisme et l'onanisme anal.
Sur le plateau transformé en cabinet de curiosités plongé dans les lumières ténébreuses de Laurent Bénard, sous la direction de Bruno Geslin, les protagonistes, toujours entre le jeu et la performance, brouillent les repères, repoussent les frontières du réel et du fantasme et invitent le spectateur à explorer, peut-être, de nouveaux territoires, sûrement à découvrir l'oeuvre résolument transgressive d'un homme et d'un artiste sans doute plus complexe que ne laisse accroire sa liberté de parole et d'expression.
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