Réalisé par Sébastien Lifshitz. France. Documentaire. 58 minutes. (Sortie 19 juin 2013). Avec Marie-Pierre Pruvot.

Désormais, quand on pensera à "Bambi", on ne pensera plus à un petit faon qui a perdu sa maman mais à une belle femme blonde qui a su se construire un destin qui était loin de celui qui était écrit dans son berceau.

Née dans une famille populaire dans une Algérie encore bien française, Marie-Pierre - qui s'appelait officiellement Jean-Pierre, mais préférait les robes aux pantalons - a découvert à 17 ans l'existence du "Carrousel de Paris", rue Fontaine, qui, dans les années cinquante, était un cabaret célèbre pour sa revue mettant en vedettes des travestis.

À l'époque, ce spectacle était renommé pour son bon goût. On était loin du Pigalle glauque des années soixante, et Marie-Pierre, courageusement montée à Paris et devenue "Bambi", y a vite acquis une belle réputation dans le sillage de Coccinelle, star parmi les travestis, qui la prit sous son aile.

Sébastien Lifshitz a trouvé de très beaux documents de cette époque glamour et l'on y retrouve Bambi et Coccinelle dans la splendeur de leur différence.

Le garçon triste mais aimé, fils d'un garagiste "français d'Algérie", qui n'était pas heureux dans son sexe de naissance, s'est donc épanoui dans ce milieu plus raffiné que m'as-tu-vu.

Sébastien Lifshitz raconte l'histoire de "Bambi" en la suivant dans un voyage émouvant vers ses origines algériennes. C'est la première fois qu'elle y revenait depuis son départ pour Paris et le monde de la nuit. C'est une femme distinguée, une déjà vieille dame qui se révèle dans ses propos un être ayant une vision sans aigreur des choses qu'elle a vécues. Son point de vue sur la vie est simple, évident, débordant de compréhension et d'humanité.

Elle explique sans pudeur ni impudeur comment elle a changé de sexe, puis, plus étonnant encore, comment elle a changé ensuite de vie quand les paillettes ont cessé de briller et que Pigalle a connu une irrésistible décadence. Bambi s'est alors définitivement transformée en Marie-Pierre, a repris ses études et... est devenue enseignante en province.

On la retrouve d'ailleurs sur des films super 8 des années 1970 au milieu de ses élèves, à l'aube de cette carrière dans l'Éducation nationale, où elle a trouvé un autre bonheur, peut-être son vrai bonheur. On sent qu'elle a aimé enseigner, et qu'elle a dû être une prof que l'on n'oublie pas.

Beau destin raconté et filmé sans tape-à-l'oeil, "Bambi" de Sébastien Lifshitz a le seul tort de ne durer qu'une heure, le temps d'un documentaire Arte. On aurait aimé rester plus longtemps avec cette femme attachante qui a fait fi de bien des obstacles pour réussir sa vie.

Un grand documentaire que l'on conseillera à tous ceux qui, ces temps-ci, ont défilé avec des banderoles pleines de certitudes.