Spectacle conçu d’après des texctes de Bertold Brecht, mise en scène de Nada Strancar, avec Pauline Bayle, Simon Bourgade, Idir Chender, Maxime Coggio, Emilien Diard Detoeuf, Pierre Duprat, Alex Fondja, Elsa Guedj, Nassim Haddouche, Karim Khali, Inga Koller, Morgane Nairaud, Anne-Clotilde Rampon, Loïc Riewer et Jenna Thiam.
Pour les Journées de Juin 2013, Nada Strancar, professeur d'interprétation au CNSAD et passionnée aguerrie à l'oeuvre de Bertold Brecht, entraîne sa classe, composée d'élèves des trois promotions en cours, et le spectateur dans un véritable festival Brecht en puisant dans son répertoire de pièces courtes et d'oeuvres qui ne figurent pas parmi celles des plus connues du grand public.
Pour l'une de ses soirées, elle propose un spectacle en deux parties qui commence avec l'intégrale de "La Véritable vie de Jacob Geherda" dans laquelle Brecht explore le domaine du rêve comme refuge pour l'homme qui souffre de ses contradictions intérieures et notamment des convulsions de sa conscience.
Dans un hôtel-restaurant durement touché par la crise économique de 1929, microcosme sociétal d'une Allemagne en plein chaos sur le terreau duquel germera le nazisme, soucieux de son honneur personnel, le fiancé de la fille de cuisine qui lui a confié avoir été molestée par des clients, les jeunes nantis du club nautique, vient s'assurer de la véracité de ses propos.
Parmi les membres du personnel mus par l'indifférence et l'individualisme et qui ne se contentent pas d'être passifs et indifférents, et le directeur tyrannique qui brandit la menace du licenciement et de son corollaire la misère, seul, Jacob Geherda, serveur timoré, voudrait dire la vérité.
Mais face à l'attitude dominante, ne parvenant pas à mettre ses actes en conformité avec sa conscience, souffrant de son manque de courage, il opère une résilience en imaginant être le chevalier noir chantre de la justice, largement inspiré des héros de la mythologie allemande, qui viendra au secours de l'opprimée.
Cette parabole sur l'acte révolutionnaire confronte les élèves au théâtre épique et tous, rigoureusement dirigés, apportent une véritable fraîcheur à la partition. La distribution de Loïc Riewer dans le rôle du "héros" est judicieuse et coup de coeur pour Elsa Guedj qui campe une irrésistible réceptionniste.
La seconde partie ressortit au genre du "cabaret" avec du théâtre burlesque, des chansons et des poèmes. Dans les "Dialogues d'exilés", oeuvre posthume méconnue dans laquelle Brecht livre un exposé radical de ses convictions et des malheurs de l'Allemagne sous forme d'échanges dialectiques entre deux personnages d'un même peuple et de même tendance politique.
Nada Strancar a choisi un dialogue qui aborde le thème névralgique de l'âme allemande et de la race de seigneurs qu'elle met en scène dans le registre du jeu corporel et le transpose en une confrontation en miroir de clowns tragiques portant la "toothbrush moustache" du dictateur.
Il en résulte un (trop court) moment de bouffonnerie burlesque brillamment mené par Simon Bourgade et Emilien Diard-Detoeuf.
Ingar Koller, qui a livré une belle composition dans le rôle du patron d'hôtel, ravit par son chant, tout comme Morgane Nairaud, dans les chansons écrites par Brecht et mises en musique par Kurt Weil présentées en intermèdes de poèmes et textes érotiques extraits d'un recueil intitulé "De la séduction des anges" qui s'avèrent de véritables pépites.
Sans faute dans l'art du dire pour tous les officiants qui ne versent pas dans le numéro d'acteur avec une mention spéciale pour la parabole de l'ordure délivrée par Elsa Guedj et l'érotisme didactique des conseils d'une maquerelle à une jeune prostituée dispensés par Jenna Thiam. |