On commence sur le bon pied. Alexis HK a confié la première partie de la soirée à Gaël Faure qui interprète quelques chansons qui promettent un joli succès. Accompagné par son guitariste, il est un peu intimidé. Jouer au Casino de Paris n'est pas un exercice facile, il s'agit de convaincre des gens assis dans de profonds fauteuils attirés par un autre artiste. "Tu me suivra , est-ce que tu me suivras, avec toi c'est pas les mêmes choix"... Est-ce au public qu'il s'adresse ? Fort à parier que c'est un artiste à suivre, la voix solide, une écriture personnelle. Le jeune homme est bien parti, s'il creuse ainsi son sillon.
Alexis HK se ménage ensuite une entrée en fanfare. Une intro musicale qui a le glam d'un générique de James Bond avec jets de lumière et une bande de gardes du corps... Oups, ce sont les musiciens : Matthieu Ballet au clavier, Simon Mary à la basse, Hibu Corbel à la batterie et Loïc Molineri à la guitare - banjo.
Son album Le Dernier Présent est sorti en septembre 2012. Alexis HK a fait du chemin depuis son premier album en 2002 et des scènes. Une embardée rock comme ce soir lui va tout aussi bien pour les titres d'un album épuré et introspectif. C'est à travers un souffle renouvelé d'énergie et de ferveur qu'il orchestre ses dernières chansons : "La fin de l'empire", "Fils de", "Charité populaire", etc. avec quelques incursions dans les albums précédents : Les Affranchis en 2009 pour "Les Affranchis" et "La fille du fossoyeur" et L'homme du moment en 2005 pour "Coming out", "L'homme du moment". Renan Luce et Benoît Dorémus, compagnons de route, l'ont rejoint naturellement sur "Ignoble noble" et Karimouche sur "Paroles en l'air".
Alexis HK est un monde à lui tout seul, le nôtre, le sien, du passé, du présent tout ensemble. On est frappés d'entendre à quel point il maîtrise toute la gamme : chanson rigolote ("La Maison Ronchonchon"), chanson romantique ("Le dernier présent"), "Les paroles en l'air" qui a la simplicité d'une chanson de Serge Rezvani, chanson à boire ("C'que t'es belle"), chansons de société sur l'homophobie ("Coming out") et sur la lutte des classes ("Charité populaire").
La phrase "Le sexe est le moyen des faibles pour écourter la conversation" pourrait devenir une citation. On aimerait avoir l'avis de Bourdieu sur la question, qui a déconstruit les habitus de classe, caractérisant entre autres les dominés par leur difficulté à s'exprimer, à structurer un discours. Ou encore la chanson (anticapitaliste) "On peut apprendre", tendance Frédéric Lordon, économiste et auteur de D'un retournement l'autre.
Ouille ! Alexis HK serait un chanteur de gauche ! Quelqu'un me répond : c'est un pléonasme. Je me rappelle ceux qui ricanaient qu'un sociologue de gauche c'était un pléonasme, dans un documentaire encore sur les écrans, j'étais déjà perplexe. Je ne suis pas bien sûre où est la gauche et mon avis compte parce que justement j'ai le même âge qu'Alexis HK, alors j'admire qu'on écrive des chansons, qu'on me fasse danser avec mes propres questionnements, mes hésitations, mon malaise.
Est-ce qu'on est désespérés de nous réfugier dans les chansons d'après-guerre (on ne saurait dire de quelle guerre), de chercher des explications dans l'Histoire ou les discours compulsifs des vagabonds qui ont d'ailleurs pris racine ? Et puis il ne fait pas la leçon, bien en peine j'imagine, de savoir quoi faire. Spectacle. Entre deux chansons il glisse que certains artistes ont du fil à retordre pour vivre de leur métier, conserver le statut d'intermittent. Avec tact, le message est passé. Et il repart de plus belle pour cette soirée survoltée, généreuse. On ressort du Casino, lavés, essorés comme si on s'était lus à livre ouvert.
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