Comédie de Eugène Ionesco, mise en scène de Alexis Rocamora, avec Clara Huet, Alexis Rocamora, Cécile Gaujal, Jean-Nicolas Gaitte, Chloë Mouchoux et Stéphane Lanson.
Avec "La cantatrice chauve" de Eugène Ionesco, la jeune Compagnie Astoé s'attaque à un des monuments du théâtre moderne avec la fraîcheur de la jeunesse qui n'a d'égal que sa détermination puisqu'elle annonce une cantatrice chauve "comme vous ne l'avez jamais vue".
Pari tenu, de mémoire de spectateur. L'annonce ambitieuse n'encourt pas la critique de publicité mensongère car le maître d'oeuvre, Alexis Rocamora, a pris le contre-pied de nombre de ses prédécesseurs notamment en inversant l'iconographie traditionnelle.
En l'espèce, les couples Smith et Martin, généralement caricaturés comme des personnages hauts en couleurs, avec l'excentricité d'une tenue vestimentaire répondant aux canons du "mauvais" goût anglais, sujets à une frénésie verbale fort peu britannique semblent échappés d'un vieux film du temps d'avant le technicolor, habillés strictement de blanc et de noir, et même du cinéma muet avec le visage recouvert de fard blanc, le blanc du clown, du Pierrot mais également du masque expressionniste, et dotés d'une gestuelle d'automate.
Quant à la bonne entendue généralement, pour le moins, comme une représentante anodine et insipide du personnel ancillaire avec sa tenue ad hoc, et, pour le plus, comme une adepte lugubre de la mode gothique, elle s'est métamorphosée en pimpante et facétieuse Mary qui évoque une Alice démoniaque.
Ce qui n'est pas sans renverser un certain ordre des choses, tout en respectant l'esprit du texte et qui en donne une lecture explicite et jubilatoire.
La fameuse partition ionescienne est restituée dans toute sa virtuosité linguistique grâce à celle, verbale, des interprètes, tous jeunes émoulus de l'Ecole dramatique Jean Périmony, qui montrent déjà un beau savoir-faire technique.
Et la sexagénaire cantatrice, soigneusement liftée par Clara Huet (Mme Smith), Chloë Mouchoux (Mme Martin), Alexis Rocamora (M. Smith), Jean-Nicolas Gaitte (M. Martin), Cécile Gaujal (la bonne) et Stéphane Lanson (le pompier), qui déjouent les pièges de cette "machine à jouer" et se livrent à une danse burlesque soigneusement orchestrée et exécutée, n'a pas pris une ride. |