Réalisé par Alain Resnais. France/Japon. Drame. 1h32. (Sortie version restaurée 17 juillet 2013 - 1ère sortie 1959).
Avec Emmanuelle Riva, Eiji Okada, Stella Dassas, Pierre Barbaud et Bernard Fresson.
- Tu n’as rien vu à Hiroshima… Rien…
- J’ai tout vu, tout !
La voix d’Emmanuelle Riva qui répond à celle d’Eiji Okada, comme les mains de l’un sur la chair de l’autre, c’est ainsi que commence l’un des films les plus marquants de la "Nouvelle Vague".
Mais Alain Resnais et son cinéma d’images et de sons explorant en deux âmes et deux corps l’ère des tragédies modernes appartiennent-ils vraiment au même espace-temps cinématographique que Godard ou Truffaut ?
Voir ou revoir "Hiroshima, mon amour" premier long-métrage d’Alain Resnais c’est se plonger dans un moment disparu depuis bien longtemps, celui où l’on pouvait encore croire que le cinéma pouvait changer peu ou prou le monde, pouvait, grâce aux mots de Marguerite Duras associés aux belles images de Sacha Vierny, être un art à part entière… Un art majeur qu’on voyait ici en train de se hisser au niveau de la grande littérature.
Quinze ans à peine après la vitrification atomique d’Hiroshima, Emmanuelle Riva regarde son amant japonais et resurgit en elle le temps d’un autre amant, d’un autre corps, d’une autre tragédie…
La force scandaleuse du récit de Marguerite Duras, c’est de lier l’Histoire au destin d’une femme qui, à vingt ans, a aimé "follement" envers et contre l’Histoire.
Dans un somptueux noir et blanc qui contraste avec les photos hideuses des victimes de la bombe américaine, Resnais donne une leçon d’humanisme. Les colombes s’envolent, les peaux martyrisées des survivants traversent fugacement quelques plans et se tissent entre les deux amants de circonstance, les deux amants d’après la catastrophe, plus que de la connivence. Il faut aller au bout du monde, loin de Nevers, pour que quelqu’un enfin vous comprenne…
Tout l’art de Resnais se lit dans le champ contrechamp d’un chat noir et du visage d’Emmanuel Riva les cheveux à ras de presque tondue… Tout le malheur du monde s’est ainsi abattu sur cette jeune fille retenue dans la cave de ses parents pour expier tout l’amour de son premier amour, celui qu’elle a donné sans réserve à un jeune soldat allemand.
Ce cinéma littéraire est pétri par l’émotion qui déborde du récit d’Emmanuelle Riva. On mesure ici quelle comédienne prodigieuse elle fût et est encore et combien elle était faite pour donner vie aux mots de Duras.
"Quatorze ans que je n’avais pas retrouvé le goût d’un amour impossible" dit-elle en se regardant dans une glace. Petite fille déboussolée dans les rues d’Hiroshima marchant avec son amant japonais, désormais seul dépositaire de son premier amour secret, elle revoit les rues de Nevers, ville qu’elle avait oubliée…
"Hiroshima, mon amour" d’Alain Resnais est un film qui n’a rien perdu de son évidence mystérieuse. |