Colours in the Street, avec sa pop acidulée, amène un peu de fraîcheur dans la canicule parisienne. En début d'après-midi, le public des premiers rangs est encore attentif. Quant au promeneur parisien, il se précipite plus volontiers sous les brumisateurs en limite de la place de l'Hôtel de Ville que devant les barrières.
La prestation des quatre niortais est enlevée, professionnelle, mais c'est surtout leur très jeune âge qui surprend. Néanmoins, des chansons comme "Paper Child" ou "Triangle" sont sincères, authentiques et attirent agréablement l'oreille.
A classer dans le peloton des suiveurs de Pony Pony Run Run ou des Popopopops, Colours In The Street est en train de faire ses armes, mais surprend agréablement.
Le lendemain de Granville, le festival Fnac Live 2013 propose aux parisiens de découvrir Saint-Michel. Dans cette affiche à l'honneur de la Basse-Normandie, on s'étonne que Saint-Lô ne soit pas programmé le lendemain.
Deux synthés et une table de mixage sur le devant, en front de scène une batterie, la pop de Saint-Michel joue la carte de l'ambiance, voix haut-perchée du chanteur, soutenue d'abord par les synthés puis par une formation plus classique de basse et de guitare trouve une vraie cohérence après la prestation de Colours In The Street.
Sans même y être invités, les premiers rangs commencent à frapper dans leurs mains. Les feulements du chanteur en début du second morceau font sourire le skateur à côté de moi bien plus qu'ils ne semblent l'émouvoir.
La rythmique est efficace, le saxophone donne une touche seventies à l'ensemble. Quelques loops sur les voix, Saint-Michel explore quelques territoires nouveaux. Le groupe est en place et semble encore désireux de trouver sa voie. Un groupe à suivre. Dommage que le chanteur des versaillais soit à ce point peu glamour avec son t-shirt sans forme, son jean taille basse et les poils pubiens qui apparaissent à chaque fois qu'il lève les bras.
Pour continuer dans le look qui ne donne pas envie, je demande Isaac Delusion. La voix nasillarde du chanteur rappelle tout de suite Jimmy Sommerville. Diane, notre photographe, soutient qu'il faut chercher du côté d'Antony Hegarty, mais c'est clairement le clone vocal de Sommerville qui est devant Isaac Delusion. Musicalement, un peu de rythmique africaine et de sons électros.
Sur le devant de la scène on observe, devant le guitariste, une batterie électro et un clavier ainsi qu'un ordinateur et un clavier à droite du chanteur. On pense à un mix élégant entre Talk Talk et Bronski Beat. Ce groupe, influencé comme d'autres actuellement par les années 80 va creuser des filons pas encore explorés. Sur scène les musiciens sont très statiques, ce qu'on regrette un peu. Isaac Delusion est une belle découverte, stylée, et qui aussi recueille les faveurs du public. On va se précipiter sur le EP de ce groupe, Midnight Sun, sorti en début d'année mais qui nous avait échappé.
Seule en scène, en tailleur pantalon en wax africain bleu nuit, Christine and The Queens offre une musique pop teintée de blues malien.
Ce qui choque immédiatement, c'est de voir la jeune femme rousse sur un plateau vide. Tout est enregistré sur bande, il n'y a même pas un clavier pour qu'elle puisse elle-même lancer ses enregistrements. On se croirait sur le plateau de Champs-Élysées, mais en l'absence de Michel Drucker.
Elle chante, danse, mais donne l'impression dérangeante d'être un voyeur en train d'observer une gamine en train d'écouter de la musique dans sa chambre.
Viennent ensuite deux danseuses et deux danseurs noirs habillés en bleu layette. Christine & The Queens pioche dans diverses influences aussi diverses que complémentaires. Durant ce festival, elle nous montre essentiellement le côté variété française cheap de son répertoire.
La reprise, réussie d'ailleurs, de "Photos Souvenirs" de William Sheller ne modifie pas cette impression de vide qui perdure durant toute la prestation de la chanson.
En fin de "concert" (?), elle salue le public d'un See You Soon, alors qu'elle est française, après avoir fait faire la révérence à ses deux danseurs et danseuses. La question est pourquoi ne pas l'avoir programmée en tout début de journée, puisque son disque ne sortira qu'en septembre.
Rokia Traoré commence doucement avec un extrait de son album précédent Tchamantché avant que le rythme n'accélère. Le jour commence à décliner. La superbe chanteuse malienne, pieds nus comme ses deux choristes, danse. Elle mélange, dans ses chansons, l'anglais et le français, les sonorités de la musique mandingue avec la guitare électrique.
Comme on parle de variété française, on peut certainement dire de Rokia Traoré qu'elle a abandonné la couleur traditionnelle de ses premiers albums pour pratiquer la variété malienne, mais le public réagit positivement. En fin de concert, elle reviendra pour une chanson apaisée à la guitare sèche subtilement relevée d'un peu de batterie. Quels que soient les goûts de l'auditeur, on ne peut nier la qualité musicale et le groove de la chanteuse malienne.
Concrete Knives. La chanteuse regarde la foule l'air concentré. Voilà enfin du gros son, avec des guitares, des perçus et de la batterie. Le tomcat en avant de la scène. Le musicien qui en joue va cependant rapidement se remettre aux claviers.
Le pop rock festif des caennais fait enfin réagir le public qui a affaire à un vrai groupe de scène, malgré un look toujours aussi inexistant. Hormis le batteur, les quatre musiciens se penchent en même temps vers le public en devant bord de scène pour faire réagir les premiers rangs.
La recette fonctionne, mais il est dommage de ne pas enchaîner plus vite les chansons. "Africanize me" est typique du style Concrete Knive, qui va chercher vers le Tom Tom Club, mélange de sons de claviers, de guitares et de percus "à l'africaine".
Parfois, on a l'impression que Concrete Knive louche vers le "Je m'éclate au Sénégal" des Martin Circus, mais le public a ce qu'il demande. Leur reprise d'Ini Kamoze, "Here come the hotstepper" rencontre un énorme succès. La prestation est propre, efficace, la chanteuse du groupe descend saluer les premiers rangs en fin de concert, chante en montant sur les barrières devant le public. Gros succès pour les Concrete Knives.
C'est Lilly Wood & The Prick qui clôture cette troisième journée de festival. Au-delà des compositions de ce groupe, c'est la déférence des fans qui surprend. Ils tapent dans leurs mains, connaissent les paroles par cœur. Les mélodies sont agréables, la voix de Nili Hadida est puissante. Il faut dire que le groupe se donne sur scène. Nili Hadida descend elle aussi dans la fosse devant le public. Le show est généreux et augure de bonnes choses pour les fans du groupe qui viendront les voir au Zénith de Paris à la rentrée.
En ce troisième jour de festival, Granville et Colours in the Street ont séduit, Rokia Traoré, Concrete Knives et Lilly Wood & The Pricks ont été à la hauteur de ce qu'ils font habituellement.
Mais la véritable révélation de la soirée aura été sans conteste Isaac Delusion. |