Réalisé par Djamila Sahraoui. Algérie. Drame. 1h34. (Sortie 28 août 2013). Avec Djamila Sahraoui, Samir Yahia et Ali Zarif.
Voilà un film âpre, dur, sec avec un récit de tragédie grecque qui impose son silence, sa violence sourde, son climat lourd. Minimaliste, janséniste, économe de mots et de plans, "Yema" foisonne d'amour et de haine, explore les sentiments premiers, universels.
Une femme est là, forte dans sa fragilité, marquée par les épreuves de la vie, murée dans ses douleurs, mue par son énergie à être envers et contre tout. Droite et fière, elle existe avec la ténacité d'une plante qui résiste à la chaleur et qui, malgré la terre caillouteuse, croît pour défier ceux qui voudraient qu'elle y renonce, qui rêveraient qu'elle s'étiole par manque d'eau ou de larmes.
"Yema" en arabe algérien, c'est la "Mère". Djamila Sahraoui, la réalisatrice, - la mère du film en quelque sorte - l'incarne dans sa double nature, celle de la mère nourricière, qui s'occupe de l'enfant du malheur, celle de la mère patrie qui fait fructifier la terre. Elle est confrontée à ses fils qui se déchirent, s'entretuent pour leurs convictions politiques mais aussi par amour de la même femme.
Dans un pays de montagnes à l'évidente beauté se noue une histoire éternelle, une simple histoire qui brasse des enjeux qui dépassent les hommes qui la vivent. On sent le poids d'une cosmogonie où des dieux s'affrontent peut-être par l' intermédiaire d'humains, tellement emblématiques, tellement possédés ou envoûtés par la fatalité qu'ils pourraient bientôt gagner le statut de héros, de personnages d'un mythe moderne dans lequel se rejoue les plus antiques drames.
"Yema" de Djamila Sahraoui, dont le visage austère pétri de gravité ne quitte pas la mémoire, pourrait s'intituler "Des hommes et des Dieux" plus légitimement que le film éponyme de Xavier Beauvois.
Djamila Sahraoui a atteint son but : avec finalement peu d'éléments, elle raconte une histoire immortelle par-delà le bien et le mal, par-delà tout ce qu'on sait de la situation algérienne.
Des coups de feu peuvent ponctuer le cours immuable des jours et des nuits, ce qui importe c'est de résister à la folie des hommes en s'inscrivant dans une perspective plus lointaine, celle des femmes qui font vivre les enfants en les nourrissant avec ce qu'elles savent le mieux faire pousser : la compassion, l'attention, la tendresse...
Quand tout cela aura bien poussé peut-être pourra-t-on de nouveau récolter de l'amour et enfin se reposer à l'ombre de la paix retrouvée.
"Yema" de Djamila Sahraoui est une œuvre forte qui ne se noie pas dans le symbolique, qui se contemple sans ennui et qui dit des choses implacables avec une maîtrise qui force l'admiration. |