Derrière Bat For Lashes se cache une chanteuse, Natasha Khan. Pour ceux qui ne la connaissent pas, sa pop mélodique est à rapprocher de Florence & the Machine, voire surtout de Kate Bush. Natasha Khan, d'origine pakistanaise, fantasme par sa musique un monde irréel, imaginaire, magique dans laquelle on peut entendre des percussions, du piano, de la harpe, divers instruments à vent et d'autres sons souvent mystérieux. Un monde bien éloigné cependant de Twilight, la saga cinématographique pour laquelle elle a écrit avec Beck une des chansons du troisième volet. Le festival de Beauregard, en Normandie, a été l'occasion de discuter avec elle, dans un décor bucolique et en pleine lumière, de son troisième album, The Haunted Man et de la tournée en cours.
Après vos trois premiers albums, ressentez-vous encore le besoin de prouver quelque chose ?
Natasha Khan : Je vois ces trois albums comme une trilogie. J'y ai fait des expérimentations sonores, testé de nouvelles choses. Aujourd'hui, je suis dans un état d'esprit différent. Le prochain album prendra certainement d'autres directions. Avec The Haunted Man, j'ai atteint un des buts que je m'étais fixé en début de carrière en m'impliquant dans la production et en soignant de nombreux détails. Par réaction, le prochain sera certainement enregistré dans des conditions proches du live.
Quelles ont été les réactions face à la pochette du disque ? (NDLR : une photo en noir et blanc sur laquelle Natasha Khan pose nue, portant un homme nu sur ses épaules)
Natasha Khan : C'était intéressant parce qu'il y a eu des discussions et des débats autour de cette pochette d'album. Ce qui me fait plaisir est que la nudité est souvent perçue uniquement sous l'angle de la sexualité par les hommes. Pour cette photo, je voulais une autre dynamique entre l'homme et la femme, un rapport de force différent. L'image de la femme renvoyée dans cette photo peut être interprétée de plusieurs manières : elle peut être sexuelle ou sensuelle, mais aussi puissante par la pose ou triste par son expression. Cela renvoie à la complexité des femmes. C'est une façon d'obliger à voir la femme autrement que seulement comme un objet sexuel.
En trois albums, votre chant a évolué. Comment travaillez-vous votre voix ?
Natasha Khan : Le fait d'avoir beaucoup tourné et chanté m'a donné plus de puissance. Avant chaque concert, j'ai mon petit rituel pour me chauffer la voix. Mais c'est aussi qu'aujourd'hui je suis moins timide. J'ai pris confiance en moi. Et je sais que je vais pouvoir exprimer des émotions par ma voix.
J'ai l'impression, à l'écoute de votre troisième album, que vous avez travaillé les atmosphères avant même les chansons, ce qui donne sa cohérence au disque.
Natasha Khan : C'est amusant car c'est justement tout à fait l'inverse. Même s'il est exact que lorsque j'écris les chansons, à la maison, l'atmosphère qui m'entoure entre en ligne de compte dans la composition. Ma manière de travailler consiste d'abord à trouver une mélodie qui, même jouée au piano solo, sonne de manière agréable. Si ma première exigence est uniquement l'atmosphère, la chanson n'est généralement pas bonne. Donc lorsque je cherche une atmosphère, de mystère par exemple, je dois d'abord m'assurer que la chanson soit assez forte. Ensuite, à la fin seulement, je vais rajouter des instruments ou des effets, chercher une texture, une similarité avec d'autres morceaux que j'ai déjà composés. J'ai comme une famille de morceaux dont les atmosphères ont la même origine.
Justement, puisque certaines de vos chansons ont cet élément d'ambiance qui provient aussi de la production, comment les travaillez-vous pour la scène, d'autant plus lorsque vous les interprétez en festival ?
Natasha Khan : Souvent en festival, on n'interprète pas l'intégralité du concert. On privilégie alors l'énergie, la théâtralité, les percussions. Les chansons plus douces, nous les réservons aux salles de concert, où il y a un côté plus intime, plus proche du public. J’apprécie néanmoins les deux exercices. Mais même si en festival on peut avoir l'impression que les gens apprécient, on ne sait jamais vraiment si c'est vraiment pour notre musique.
Avant de monter sur scène, comment vous préparez-vous ?
Natasha Khan : Je m'isole, je bois un thé, j'allume des bougies, je recherche le calme. J'ai besoin de temps pour me préparer, chauffer ma voix, et me concentrer parce que j'ai cette envie de donner une bonne prestation. Pour être en pleine forme au bon moment, j'ai besoin de cette préparation stricte, très ritualisée.
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