Réalisé par Davide Manuli. Italie. Drame. 1h35 (Sortie 11 septembre 2013). Avec Vincent Gallo, Silvia Calderoni, Claudia Gerini, Elisa Sednaoui et Fabrizio Gifuni.
C'est sous le signe de la musique électro de Vitalic, star française du genre, que Davide Manuli donne sa version de "La légende de Kaspar Hauser".
Ceux qui se souviennent du film de Werner Herzog ne retrouveront peut-être pas leurs petits dans ce film déjanté, zarbi, techno, baigné dans une belle lumière sarde, aussi manichéen que son noir et blanc est subtil.
Venant de la mer pour s'échouer sur la plage de cette île elliptique où les soucoupes volantes peuvent côtoyer les ruines romaines, Kaspar Hauser porte son nom inscrit sur sa poitrine. Ulysse tout à la fois androgyne et bisexué, il n'aura d'autre choix que celui d'arborer un survêtement aux trois bandes et floqué dans le dos des lettres "DJ".
Cela tombe bien puisque ce sera là son destin d' "homme" de nulle part : simplement sampler. Si l'on osait, on oserait dire que ce simplet va sampler et rejoindre bientôt le paradis blanc où dansent les anges, les possédés et ceux qui ont bien trop fumé.
Sur sa route improbable, enchaîné ou déchaîné, dansant ou se traînant, Kaspar rencontrera quelques personnages singuliers. On pense parfois au cinéma de Daniele Cipri, dont on a pu revoir récemment "L'Oncle de Brooklyn", car Davide Manuli procède lui aussi en accumulant les saynètes incongrues dans lesquelles se mêlent sans se heurter le grotesque, le mauvais goût et la poésie la plus pure.
Davide Manuli possède un atout précieux en plus : la présence de Vincent Gallo. On croyait déjà bien le connaître : c'était mal le connaître. Dans un double rôle blanc et noir, shérif bavard et tueur froid, il apporte la force de ses mots et la caution de sa silhouette à lunettes.
Lui qu'on imaginait plutôt "rock'n'roll" s'intègre parfaitement dans ce conte "électro pop" où il faut se laisser aller, telle la belle Elisa Sednaoui, au beat frénétique des platines sans en demander davantage et surtout sans chercher à comprendre, puisqu'il n'y a rien à comprendre.
"La légende de Kaspar Hauser" de Davide Manuli est un film musical moderne, un anti-clip qui aime les effets lents ou répétitifs et le plan séquence. On lui prédit un avenir paradoxal de film vite daté qui deviendra vite intemporel. S'écoulant entre deux vols de soucoupes, cet OVNI, propice aux rêves et aux délires, mérite, comme il se doit, de n'être jamais identifié. |