Drame de Shakespeare, mise en scène de Omar Porras, avec avec Adrien Gygax, Tsuyoshi Kijima, Pierre-Yves Le Louarn, Micari, Yoneji Ouchi, Morimasa Takeishi, Momoyo Tateno, Takahiko Watanabe, Miyuki Yamamoto et Ryo Yoshimi.

Les histoires d'amour tragique étant universelles et intemporelles, Omar Porras propose une recontextualisation aussi inattendue que percutante de celle du "Roméo et Juliette" de Shakespeare en transposant le baroque élisabéthain dans le monde flottant du Japon ancestral.

Et il remonte à la source en mettant en scène des comédiens nippons de la troupe du Shizuoka Performing Arts Center dont le travail s'inspire de la contemporanéisation de la forme épique du théâtre japonais traditionnel qu'est le kabuki.

Le spectacle est donc placé sous le signe du jeu d'acteur codifié dans lequel l'expression des sentiments passe par une gestuelle qui exclut l'expressivité émotionnelle mais également, selon les scènes, celui du grotesque et de la farce ou du lyrisme avec un métissage de heroic fantasy pour les perruques créées par Valérie Nguyen des jeunes hommes dont les rixes ne sont pas évoquer ceux du genre wuxia du cinéma chinois.

Tout concourt à la réussite absolue de ce spectacle. Omar Porras signe une scénographie superbe et pourtant épurée à l'extrême - un simple élément de décor, le tori, l'arche en bois signifiant l'entrée des temples shinto, et quelques accessoires comme les branches de cerisiers en fleurs et la cloison japonaise - magnifiée par la création lumière de Mathias Roche qui crée des tableaux d'une beauté époustouflante et soutenue par l'étonnante bande-son, du compositeur Alessandro Ratoci et du créateur son Emmanuel Nappey, qui y inocule d'anachroniques airs inspirés de la variété des sixties.

La mise en scène inventive et ludique de Omar Porras syncrétise à la perfection les codes de jeux du théâtre nippon et le jeu des comédiens du SPAC, distribués sans tenir compte systématiquement du sexe - ainsi le couple-titre est incarné par deux femmes (Roméo par Miyuri Yamamoto et Juliette par Micari au visage de poupée toutes edeux bouleversantes) et l'excellente nourrice par le comédien Morimasa Takeishi - totalement maîtrisé ce qui n'exclut pas la fantaisie.

Ce spectacle aux antipodes de certains codes de la représentation occidentale séduit d'autant plus qu'il ne se présente pas comme une "curiosité" à bon compte d'exotisme. Et les amants du Soleil levant chavirent les coeurs.