Lorsqu’arrive le mois de septembre, côté librairie, on pense à la parution des nouveaux romans qui se disputeront les prix littéraires. On guette les manuscrits des auteurs déjà reconnus, on essaie de dénicher le futur nouveau talent, on prend une mine sérieuse devant les rayons de livres signés chez Grasset, Gallimard et compagnie. Jamais, on ne songerait à se diriger vers les bandes dessinées. C’est au choix pour les enfants ou pour les adultes, évidemment incultes, qui préfèrent rigoler devant des images plutôt que de lire un "bon" livre.
Heureusement, depuis quelques années, certains albums ont réussi à se faire remarquer pour leur "sérieux" - puisque c’est visiblement le critère de qualité en littérature : Persepolis, Les Chroniques de Jérusalem, etc. Autant de bandes dessinées qui démontrent que leur genre n’est pas si lisse et simpliste. On tend donc, peu à peu, vers une re considération de cette forme d’expression littéraire. Peut-être pas au point d’admettre, parmi les "bons écrivains", Zep, le créateur du fameux Titeuf (tellement adoré des enfants d’une dizaine d’années que, forcément, peu digne d’estime pour les plus lettrés).
Et pourtant, avec son nouvel album Une histoire d’hommes, il débute fort dans la bande dessinée réaliste. Il y raconte les retrouvailles de quatre amis qui formaient, dans leur jeunesse, un groupe de rock à l’avenir très prometteur, du moins jusqu’au soir où l’un deux brisa le nez d’un producteur. Dissolution du groupe, chacun retourna à son quotidien bien plus banal, excepté le chanteur qui connut la célébrité en solo. Ils se retrouvent donc, ces quatre copains, dix-huit ans après, le temps d’un week-end chez la star. Ils l’ont tous revue, sauf un. Ils ont tous connus son fils qui vient de décéder, sauf un. Le meilleur ami trahit. Dix-huit ans après, que reste-t-il de l’amitié, des déceptions et de la rancœur ? Que reste-t-il de leur passion pour la musique, aussi ? Au cours de balades, de repas, d’un café, les langues se délient, les masques tombent, chacun se redécouvre et des vérités éclatent. L’heure est au bilan, celui qui permet de comprendre enfin, et d’avancer.
Les dessins sont justes ; les regards, les silhouettes, les postures décrivent mieux que des mots les émotions des personnages. Il y a du romantisme, également, dans les illustrations des promenades sur les sentiers anglais. Réellement, avec Une histoire d’hommes, Zep surprend joliment : il nous livre une BD fine, belle, émouvante, et si réaliste qu’elle parle à chacun et reste ancrée dans notre tête une fois la dernière page tournée… comme toutes les histoires réussies. |