Réalisé par Andrzej Jakimowski. France/Grande Bretagne/Pologne/Portugal. Drame. 1h42 (Sortie 23 octobre 2013). Avec
Edward Hogg, Alexandra Maria Lara, Melchior Derouet et Francis Frappat.
D'abord, on peut traîner les pieds : réalisé par un Polonais, "Imagine", tourné au Portugal en anglais mâtiné de portugais et saupoudré de français, mettant aux prises un acteur britannique et une actrice allemande, a tout les ingrédients de ce qu'on appelle un "pudding européen".
Ensuite, en découvrant le sujet, les choses ne s'arrangent pas : "Imagine" raconte les déboires d'un aveugle "professeur d'orientation spatiale" dans une institution de jeunes non-voyants...
On pressent alors que l'on va se retrouver devant un de ces "chantages émotionnels" qu'on ne peut critiquer sous peine de passer pour un monstre, un sans-coeur.
Et pourtant, dans la belle lumière lusitanienne qui inonde ce film que l'on craignait sombre et manipulateur, on est vite rassuré. Peu à peu, par petites touches, la caméra d'Andrzej Jakimowski fait entrer le spectateur dans la problématique d'un aveugle. Ici, les champs seront presque toujours sans contrechamps ; ici, les sons prennent le pas sur les images ; ici, la sensation l'emporte sur l'impression.
Ian veut démontrer qu'un aveugle n'a pas besoin de canne blanche, qu'il peut se déplacer "en toute sécurité" grâce à une méthode dite d' "écholocation", fondée sur des claquements de doigts et l'utilisation du son de ses chaussures.
On va donc le suivre quitter le cocon de ce "monastère-clinique" pour des exercices pratiques dans la ville de Lisbonne. Ce sera l'occasion d'une balade dans la vieille ville, celle où les rues étroites montent vers un monde où l'on ne croit, à tort, qu'à ce qu'on croit voir et qu'en vérité on ne regarde pas... Un monde où il faut éviter les tramways et les chausse-trapes de la chaussée.
Évidemment, les méthodes du jeune britannique sont contestées par l'institution médicale, d'autant qu'il gagne à son rêve ses jeunes élèves et particulièrement Serrano qui l'accompagne dans un périple nocturne, paradoxalement plus angoissant pour les spectateurs voyants que pour les protagonistes aveugles qui flirtent dangereusement, mais en toute confiance et en toute conscience, avec le vide des parapets du port.
Edward Hoog est très convaincant dans le rôle de Ian, de cet homme toujours souriant, toujours confiant même quand ses chutes à répétition pourraient condamner ses théories.
"Imagine "d'Andrzej Jakimowski est un film chaleureux qui a trouvé une manière originale pour parler de la cécité. Ce qu'il imagine, c'est un monde où les aveugles, sans nier leur handicap, sans rêver d'une impossible et inutile normalité, auraient gagné une autonomie suffisante pour vivre vraiment bien leur différence. |