Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Fedor Doistoïevski, mise en scène de Laurence Andreini, avec Valentine Alaqui, Eric Bergeonneau, Clémentine Bernard, Romain Cottard, Philippe Maymat et Bertrand Poncet.
A partir d'une nouvelle traduction du roman complexe et foisonnant à la pluralité d'intrigues et la multitude de personnages "L'idiot" de Fedor Dostoievski, Sergueï Vladimirov, Laurence Andreini et Pauline Thimonnier ont élaboré une partition théâtrale pour six acteurs qui plonge au coeur d'une tragédie annoncée.
"Idiot" se concentre sur les relations délétères du quatuor central formé par le prince Mychkine, épileptique taxé d'idiotisme de retour dans son pays natal, Rogojine, Aglaïa, la fille du général Epanchine, et, la femme déchue et entretenue, Nastassia Philippovna.
Ce quadrille délétère, constitué de personnages appariés en doubles janusiens, fonctionne sur le mode du trio tragique dont le pivot est toujours le prince : le prince déchiré entre les deux jeunes femmes. le prince et Rogojine qui partagent un fatal amour pour Nastassia. Et près d'eux, le général Epantchine qui voudrait devenir l'amant de cette dernière tout en lui faisant épouser son veule secrétaire Gania Yvolguine pour rendre service à son ami qui veut se débarrasser de sa maîtresse.
Dans une scénographie minimaliste et décontextualisée de Charlotte Villermet, un plateau noir à peine structuré de cloisons mobiles à clair-voie délimitant des espaces indéfinis quasiment toujours plongé dans la pénombre avec le travail peaufiné des lumières de Maurice Foulhé, avec la direction d'acteur précise et rigoureuse de Laurence Andreini et l'excellente interprétation des comédiens, la proposition dramaturgique s'avère une belle réussite.
Comédiens aguerris, Philippe Maymat et Eric Bergeonneau sont parfaits dans les rôles respectifs, pour le premier dans le double rôle du général Epantchine mais également du général Ivolguine, et pour le second, celui de Rogojine auquel il apporte une noirceur convulsive et désespérée.
Superbe duo féminin pour un duel acéré avec Clémentine Bernard qui incarne la beauté vénéneuse, douloureuse et mortifère de Nastassia et Valentine Alaqui, dans le rôle de Aglaïa, physique de Tanagra et tempérament de feu, qui révèle un véritable potentiel de tragédienne.
Belle prestation de Bertrand Poncet, de la promotion sortante de l'école du TNS et qui a fait ses humanités théâtrales au cours Jean-Laurent Cochet, qui assure le personnage trouble voire malsain de l'ambitieux et médiocre Gania.
Enfin, dans le rôle-titre du simple d'esprit dont on ne sait s'il s'agit d'une figure christique que le père a vraiment abandonné, préfiguration d'un siècle sans Dieu, d'un homme de la race des clair-voyants ou d'un miroir psychanalytique qui révèle le vrai moi de celui qui s'y regarde, métaphore du mal sociétal de l'époque et figure humaniste dont le retour au pays natal n'est qu'une ténébreuse échappée à l'isolement aussi bien mental que physique auquel le voue sa "folie", Romain Cottard est envoûtant.
Son jeu incarné aussi juste que sensible dans une partition qui ne peut souffrir ni la médiocrité ni le numéro d'acteur confirme un talent déjà éprouvé sur scène qui le positionne dans le peloton de tête de la jeune génération de comédiens. |