Réalisé par José Luis Valle. Allemagne/Mexique. Comédie dramatique. 2h (Sortie 30 octobre 2013). Avec Jesus Padilla, Susana Salaza, Barbara Perrin Rivemar et Sergio Limon .
Difficile de raconter "Workers", difficile d'en trouver le sujet, le sens. Apparemment minimaliste, répétitif, presque sans dialogues et sans explications, le premier film de fiction de Jose Luis Valle reste un mystère.
Objectivement, on devrait trouver qu'il prend extrêmement son temps puisqu'il décrit jour après jour deux vies monotones dans lesquelles tout paraît ritualisé, sans surprise. Pourtant, "Workers" fourmille d'éléments qui peu à peu se sédimentent pour que ce quotidien banal devienne au bout du compte un récit extraordinaire à la limite du fantastique social.
Ce que Jose Luis Valle réussit à merveille, c'est de montrer dans des visages impassibles, des corps las mus par l'obligation de se mouvoir, une volonté peu commune, une résistance hors du commun. Ici, on a appris à survivre sans émotion apparente et l'on saura plus tard pourquoi l'émotion est si rentrée, si enfouie dans un tragique que la litanie des jours ne peut amoindrir.
Bien entendu, il faudrait parler du contexte, de Tijuana, de cette ville frontière entre deux poncifs, le rêve américain et le cauchemar mexicain (ou réciproquement). De quel côté de cet autre mur de la honte qui peut séparer des couples se trouvent isolés Rafael et Lidia ? Qui est le clandestin ? Qui est le sans destin ?
Le cinéma consacré à cette séparation supposée de deux mondes est abondant. Souvent, c'est un cinéma clinique, comptable d'un problème de migration qui change peu à peu l'équilibre américain et qui, peut-être à terme, bouleversera la nature des États-Unis.
Dans "Workers", il ne s'agit pas de traduire au niveau microscopique de deux petits personnages un état statistique et géostratégique. Jose Luis Valle a choisi deux histoires singulières, absurdes, cocasses, tellement irréelles qu'elles paraissent plus crédibles que tous les récits sordides où les protagonistes accumulent tous les malheurs et toutes les misères supposés toucher les Mexicains candidats au départ.
On peut évidemment parler de fable, voire de conte cruel, dans ce monde où l'avenir des uns dépend d'un chien de milliardaire et celui des autres d'une ampoule électrique Philips.
Envers et contre tout, "Workers" de Jose Luis Valle est un film qui ne croit pas à la soumission et démontre avec ironie qu'il y a une limite à l'humiliation et que la vengeance n'a pas besoin d'être bruyante et spectaculaire.
Jamais cynique, Jose Luis Valle, lui-même fils d'immigré salvadorien devenu mexicain, croit encore aux belles choses, et, parmi elles, à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Que cette transmission vienne d'un ado mexicain qui s'y prête sans calculs et qu'elle permette à Rafael d'utiliser à bon escient un beau stylo en est la preuve presque divine.
"Workers" de Jose Luis Valle est un film savoureux qui n'épuise pas tous ses secrets, mais sait faire partager son amour pour les petites gens et son plaisir de les grandir. |