Et si Sigur Rós avait voulu avec ce disque tenter une nouvelle expérience sensorielle et musicale ?
L’expérience a toujours été au centre du travail de Sigur Rós que cela soit dans la forme ou dans le fond avec des prises de positions artistiques souvent originales et aventureuses. C’est aussi "la magie d’un moment, quelque chose que l’on ne doit pas chercher à disséquer, car c’est ce qui est mort que l’on dissèque…" selon l’aveu du groupe. Il faut donc accepter de se laisser, assez facilement avec eux, porter par cette musique cérébrale et catalyseur à émotions.
Kveikur est peut-être un disque plus sombre que les autres. Plus torturé. Une invitation au sensoriel et ce, dés la pochette tirée d’une photographie prise en 1967 par l’artiste brésilienne Lygia Clark et représentant un "masque sensoriel" (Máscara Sensorial). Le but de ces masques recouvrant toute la tête et altérant la perception visuelle, est d’offrir de nouvelles expériences qui peuvent réduire ou augmenter la finesse des sens pour activer de nouvelles connections entre eux. Des herbes, des plantes (des drogues…) peuvent être placées sous le nez, histoire de bien triper. Des miroirs peuvent être placés à la place des yeux, tournés vers l’intérieur ou au contraire amplifiant le champ visuel extérieur (image que l’on retrouve dans le livret du disque).
Pour arriver à leurs fins, le groupe n’a pas lésiné sur les moyens démontrant une fois de plus de véritables talents d’écriture et de faiseurs de sons et d’atmosphère. Pas vraiment du post-rock, encore moins de la pop, un voyage intérieur musical. Une histoire de Montagnes Russes ou de volcans, car le feu (et la tempête) couvent dès le premier titre "Brennisteinn" et il ne s’éteindra pas !
Plus tranchant, plus mordant, ce Kveikur est un chaos sourd, une véritable alternative au plus calme et introspectif Valtari. Le style est toujours là, cette sorte de landscape musical (l’Islande omniprésente que cela soit dans la géographie harmonique ou dans la langue chantée, mélange d’Islandais et d’inventé) où la forme et les mélodies s’étirent à envie. Pourtant, les belles promesses des débuts et ce, à l’image de la discographie entière du groupe, ont tendance à se déliter au fur et à mesure que le disque défile pour laisser place alors à une douce routine (bousculée lors d'un "Kveikur" strié de guitares électriques ou d’un "Rafstraumur"). Une nouvelle expérience donc, plus dans la puissance et la noirceur qui, sans fonctionner jusqu’au bout, fait pour autant de ce Kveikur le meilleur disque de Sigur Rós depuis longtemps (2005 ?).
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