S’il était né au Moyen Âge, aux alentours de l’an de grâce 1174 (au hasard), Jean d’Aillon aurait porté le doux nom de Guilhem et serait un bandit troubadour détrousseur de vilains et sauveur de ces dames à l’occasion. Voilà le sixième roman retraçant les aventures de Guilhem d’Ussel "chevalier troubadour" du Moyen Âge, et il est à Rome 1202.
Pour situer l’intrigue, en 1202, à Rome, les sanglants Borgias ne sont que des embryons, ce qui n’empêche pas les familles papales de se partager la principauté et ses dépendances. C’est la guéguerre entre les Colonna, les Orsini et les Frangipani, les uns plus fourbes, menteurs et voleurs que les autres, vivant dans des palais apostoliques dont les dorures font friser l’éblouissement à chaque centimètre de couloir (et je ne vous parle pas de la salle à manger).
Bref, on le sait, on aime bien le répéter en ces temps d’anti-catho, c’est dégueu de voir que des prétendus hommes d’églises prêchant le don de soi, la charité et la miséricorde n’en soient eux-mêmes pas capables. Il faut dire que le trône papal est une sacré bonne planque. Encore mieux que patron du FMI. Innocent (vachement innocent, oui !) est le pape actuel, complètement paranoïaque et suspicieux, manipulateur et méchant personnage.
L’intrigue bien ficelée commence en plusieurs lieux, pour se finir à Rome, en pleine guerre froide du bénitier. Bartolomeo et sa sœur Anne-Marie (enfants du cardinal Ubaldi) reçoivent par bulle papale (genre de fax co-signé et inviolable certifiant la véracité des propos) l’annonce du legs de leur cher papa : la ville et la seigneurie de Ninfa. A vous, ça ne vous parle pas, mais pour eux (pauvres manants vivant respectivement en France de jonglerie et d’un mariage d’interêt), c’est le Saint Graal qui frappe à la porte. Ils vont donc se présenter chez le pape pour recevoir "les clés de la ville".
Oui mais non, c’est trop facile comme ça. La possession d’une ville attise forcément les jalousies et les envies des influentes familles citées plus haut. Les uns se relèveront des alliés… et pas les autres. Pour pimenter le tout (et faire pencher la balance), ils croisent en chemin une vieille connaissance : Ratonneau, armateur pirate cherchant à refourguer du feu grégeois (ancêtre dissuasif de l’arme nucléaire).
Le versant passionnant du roman est que les personnages sont décrits et réagissent comme des humain lambdas, pas comme des héros sans peur que les écrivains citent parfois. Les personnages de Jean d’Aillon sont criant de vérité, ils savent être reconnaissants envers leurs sauveurs, et sont d’implacables ennemis en cas de litige. Chaque nouvelle rencontre est pleine d’incertitudes, nous n’avons pas plus d’éléments pour classifier les nouveaux chez les opportunistes qui retourneront leur veste à la première brise, ou chez les gens qui tiendront parole jusqu’au bout.
Des rebondissements, des complots, des adversaires de taille et des amis valeureux, la quête de la vérité au cœur d’une vieille guerre des boutons entre barons et sénateurs romains… Voilà ce que vous trouverez dans ce Rome 1202. A vous donner des envies d’avant pour comprendre le passé de cet énigmatique Guilhem, pour revivre les origines de ses amitiés. Et des envies d’après, pour la suite des aventures ou "dans quel pétrin il va encore se mettre ?". |