Comédie dramatique de Victor Haïm, mise en scène de David Bottet et Nicolas Luboz, avec Laurence Porteil, Nicolas Luboz et David Bottet.
Comédie grinçante en noir et blanc et en rouge, "Velouté" est une pièce mitonnée par Victor Haïm où il n'y a pas que les légumes qu'on écrase.
Placée sous le signe du "harcèlement moral", elle met aux prises un "directeur des ressources humaines", un recruteur affable, et un candidat, à cran dans ses pauvres baskets, à un poste de chauffeur.
Rien de plus normal qu'un entretien d'embauche un peu poussé, surtout s'il s'agit de conduire un PDG victime d'un attentat qui l'a rendu sourd, mais qu'en est-il, si le DRH prévoit de pousser le jeu sept fois de suite et de cuisiner peu à peu ce Jonathan, ancien trompettiste aux lèvres trop fragiles, jusqu'à en faire son esclave ? Pervers bonhomme, jamais à cours de ressources mais de moins en moins humain, le questionneur passe des questions ordinaires à la "question extraordinaire".
Comme à son accoutumé, Victor Haïm commence dans un quotidien attendu pour aboutir à un résultat singulier, celui qui transforme une situation banale en un vrai moment de théâtre.
Écrite en 2000, la pièce n'a malheureusement pas perdu de son actualité et ce qui paraissait une fable presque farce est devenue synchro avec un monde où celui qui a un pouvoir peut l'utiliser en toute impunité jusqu'à en faire un instrument d'humiliation.
Dans "Velouté", Victor Haïm introduit cependant un peu d'incertitude dans cette dialectique du maître et de l'esclave, à l'aide d'un personnage féminin, celui de la femme du DRH, chargée de l'épreuve ultime...
Est-elle victime ou complice des agissements de son mari ? Participe-t-elle servilement à ses jeux pervers ou sait-elle s'en servir pour son épanouissement personnel ou pour réaliser ses propres fantasmes ?
Ce qui devait être un jeu binaire ne devient-il pas quelque chose de plus compliqué où les serviteurs utilisent leur maître ? Et si c'est le cas, celui-ci ne manipule-t-il pas encore des partenaires qui sont à sa merci ?
C'est dans un décor elliptique de formes géométriques blanches qui peuvent astucieusement se transformer en canapé, en table ou en bureau, que les deux acteurs, par ailleurs metteurs en scène, proposent "Velouté".
Habillé avec l'élégance d'un Monsieur Loyal, David Bottet mène le jeu avec une onctuosité qui confine à la cruauté pendant que Nicolas Luboz incarne un dominé en se gardant bien d'en faire un résigné. Quant à Laurence Porteil, elle dissimule un tempérament franchement fantaisiste sous des dehors convaincants de femme fatale.
On quittera ce spectacle soigné, ce bel exercice de style haïmien, avec le sentiment que, derrière sa feinte modestie et son ironie ambiguë, il y a une critique qui atteint sa cible sans oublier d'être drôle.
|