Montage de textes autour du personnage féminin au théâtre mis en scène par Marjorie Nakache, avec Jamila Aznague, Adèle Liners, Sonja Mazouz et Marjorie Nakache.
Présenté comme "un hommage et une déclaration d'amour au théâtre", mais constituant également une ode au comédien, le spectacle "Elles" conçu par Marjorie Nakache, en collaboration avec Xavier Marcheschi pour la dramaturgie, s'avère un véritable petit bijou théâtral qui allie intelligence didactique, inventivité et fantaisie.
Car, à partir de la thématique du personnage féminin et un florilège de ses belles figures du répertoire classique résultant d'un choix éclairé et d'un parti pris socio-politique, il aborde certes les grands archétypes féminins du théâtre, de la coquette à la rebelle, et ce dans les différents registres, de la farce à la tragédie.
Mais il dresse également un panorama de la condition féminine tel qu'il résulte du statut de la femme et de l'éducation des filles dans une société sous domination masculine tout en mettant en exergue l'existence de femmes en "résistance" qui, dès le 16ème siècle, trace le chemin du féminisme.
De la vacuité futile des bourgeoises du "Gros chagrin" de Courteline à la révolte, sous couvert d'ingénuité de l'Agnès de "L'école des femmes" à celle subversive de Antigone fille de roi, de la vocation conjugale de Henriette de "Les femmes savantes" de Molière à la la future mariée pragmatique dans "Le fil à la patte" de Feydeau en passant par l'amoureuse déterminée avec la Juliette de Shakespeare, la traversée théâtrale est riche et les angles d'approche multiples.
Pour incarner toutes les déclinaisons de la femme plurielle, un quatuor de comédiennes, deux comédiennes affirmées, Sonja Mazouz et Marjorie Nakache, et deux jeunes comédiennes prometteuses, Jamila Aznague et Adèle Liners, qui enchaînent les rôles dans une jolie ronde placée sous le signe du théâtre dans le théâtre et rythmée par des intermèdes transitionnels en forme d'impromptus aussi (im)pertinents que plaisants et la présence d'une tournette qui sert tantôt de scène tantôt de fond de scène.
Comme à son habitude, la mise en scène de Marjorie Nakache est nette, précise et sans bavure, privilégiant la tradition tempérée à la contextualisation débridée, la discursivité du texte à la posture démonstrative et le plaisir du jeu partagé au numéro d'acteur.
La scénographie sobre avec son trio de cadres stylisés, la bonne idée de la costumière Nadia Rémond qui habille à l'identique les comédiennes, soeurs jumelles en miroir, d'une même robe blanche qu'un judicieux accessoire noir suffit à transformer, et le conséquent travail de lumières de Hervé Janlin, qui sculpte l'espace scénique et sublime les officiantes, donnent au spectacle une esthétique aussi délicate qu'affirmée.
Sur scène, Marjorie Nakache et Sonja Mazouz, entre autres et respectivement magnifique Elvire et superbe Marianne, encadrent deux jeunes pousses qui se jouent et déjouent les emplois avec une fraîcheur roborative : Jamila Aznague est aussi convaincante en ingénue qu'en héroïne tragique et Adèle Liners réussit un grand écart saisissant entre la farce, le vaudeville, la comédie et le drame.
Au diapason, elles sont toutes parfaitement justes et dispensent avec talent et générosité un spectacle réflexif pétillant et ludique propre à déclencher une addiction aux "classiques" et dont le seul regret tient à son format court d'une heure. |