Spectacle conçu et mis en scène par Guillaume Clayssen, avec Laura Clauzel, Viktoria Kozlova, Vincent Brunol, Mathias Robinet-Sapin, Julien Crépin et la participation d’Emmanuelle Laborit.
À l'heure où la vidéo envahit les scènes, c'est au cinéma que Guillaume Clayssen a voulu rendre hommage dans "Cine in corpore" dans un spectacle impressionniste qui embrasse le temps d'un film standard de quatre-vingt minutes l'histoire du cinéma et sa mythologie, sans oublier de demander au spectateur son avis sur sa vie dans les salles obscures.
Vaste programme habilement traité par tous les moyens astucieux possibles. On pourra donc voir la sortie des usines Lumière et l'entrée en gare de la Ciotat, entendre Johnny Guitar jouer à la guitare électrique, apercevoir Nosferatu ou Alice et écouter des extraits sonores d'interviews de Brigitte Bardot, de Jeanne Moreau, voir rejouer pour de rire des scènes de Batman, apprécier la plastique d'une femme fatale chantant "Blue Velvet" et celle d'une chatte de gouttière évoquant tout à la fois les silhouettes de Grace Kelly et d'Audrey Hepburn.
Guillaume Clayssen a conçu un spectacle élégant, où il a imbriqué comme dans un film de Godard, des voix, des images, des sons, des lumières, des corps, afin de créer un climat onirique propice à réfléchir sur le cinéma, à recueillir des paroles souvent drôles de spectateurs dont les ombres filmées sont projetées sur de fines toiles blanches.
Exercice subtil de collage théâtral proche du montage cinéma, le spectacle proposé par Guillaume Clayssen connaît parfois quelques baisses de régime inhérentes à l'utilisation d'un magma protéiforme où de pures idées poétiques peuvent voisiner avec quelques poncifs attendus sur le septième art.
Mais la magie ne cesse pas d'opérer pour autant et même quand "Cine in corpore" cède aux sirènes de la citation, comme dans cette reconstitution d'une scène culte de "Casablanca" entre Ingrid Bergman et Humphrey Bogart.
On pourra aussi regretter une fin moins convaincante, laissant à penser que le cinéma est du côté de la mort et non "plus grand que la vie", avec ce long lamento chantonné par Laura Clauzel, certes avec talent, mais manquant du vécu d'une actrice éprouvée par l'existence pour que son émotion emporte la conviction.
Défaut véniel qui n'empêche pas Guillaume Clayssen d'avoir réussi son pari. Pour une fois, cinéma et théâtre font bon ménage et n'apparaissent pas comme des frères ennemis. "Cine in Corpore", au contraire, montre bien leur proximité et fournit un spectacle chorégraphique, presque aérien, qui s'avère une déclaration d'amour conjointe aux deux arts. |