Réalisé par Barmak Akram. Afghanistan/France. Drame. 1h26 (Sortie 27 novembre 2013). Avec Wajma Bahar, Mustafa Abdulsatar, Haji Gul Aser et Breshna Bahar.
Histoire simple dans un pays pas simple, "Wajma, une fiancée afghane" de Barmak Akram a d'emblée une qualité majeure : il n'abuse pas de la situation afghane.
Si l'on découvre Kaboul filmé pendant des courses en taxi, on n'y voit pas une ville surchargée par les références à la guerre.
Si le père de Wajma surjoue soudain les intégristes, et que son fiancé par lâcheté devant sa grossesse imprévue entonne le refrain de la femme impure qu'il ne peut plus épouser, on retrouve là des comportements masculins conservateurs, obtus, machistes, qu'on pourrait retrouver dans n'importe quelle société archaïque où le mâle a peur de perdre la face s'il ne fait pas appliquer avec rigueur les codes moraux et sociaux.
C'est pour cela que "Wajma, une fiancée afghane" multiplie les correspondances avec le cinéma de Pagnol. Cette fille "perdue", enfermée dans un cagibi par un père jadis aimant et maintenant prêt à la faire mourir de froid et de faim, elle n'est pas sans rappeler "Angèle".
Sauf que le responsable de son "déshonneur" n'est pas un berger de passage mais un jeune homme moderne comme elle, qui, quelque temps avant la révélation de la grossesse de son amie, pouvait correspondre avec elle avec un portable.
Drame situé dans une famille aisée, que l'on qualifierait avec des guillemets occidentaux de bourgeoise, "Wajma, une fiancée afghane" permet de découvrir au gré de son déroulement beaucoup d'éléments de la vie afghane. Et la surprise, derrière le cas décrit, c'est d'abord d'admettre qu'il y a une vie à Kaboul, que chacun peut y tenir un rôle social identifiable.
Du fiancé qui travaille dans un restaurant avec son frère, au père qui supervise une équipe de démineurs, de la mère qui tient la maison, s'oppose aux excès de son mari et cherche à sauver sa fille de sa vindicte, et surtout à lui éviter le sort peu enviable réservée aux filles impures, tous les personnages ont des petits arrangements avec l'ordre islamiste fluctuant qui règne dans le Kaboul occupé par le régime pro-occidental.
Jamais dénué de charme, évitant de sombrer dans le mélo et distillant des moments assez drôles, le film de Barmak Akram, à l'aise dans sa description d'une société plus contradictoire qu'on ne s'y attendait, assume tranquillement sa transgression finale.
On appréciera particulièrement le jeu des acteurs qui ne sont pas sans rappeler leurs homologues iraniens. Les jeunes quittent sans problème le marivaudage adolescent pour accéder à leurs corps et cœurs défendant à la gravité adulte pendant que Haji Gul Aser, qui joue le père de Wajma, sait éviter le monolithisme de son personnage sectaire et que Breshna Bahar est une mère courage d'une dignité grecque à la Irène Papas.
"Wajma, une fiancée afghane" de Barmak Akram pourrait n'être qu'un film adapté aux goûts et au credo des occidentaux, tourné avec des techniciens français et utilisant par exemple des musiques de Mathieu Chedid. Il ne peut encourir ce reproche : à la fois local et universel, ce n'est pas un film hors sol mais une œuvre forte, belle et riche du regard d'un vrai cinéaste. |