L’un des endroits où je préfère passer du temps, boire un thé et un délicieux carrot cake, travailler et observer les gens est Oklahoma, dans le Northern Quarter.
S. m’a d’abord fait découvrir le côté boutique, où l’on trouve un tas d’objets originaux et drôles, depuis les cartes postales d’insultes jusqu’aux abat-jours colorés, en passant par les mugs design porteurs de messages humoristiques postmodernes. Nous y sommes retournés plus tard pour l’ambiance, les gâteaux et la bonne musique. La bande son, généralement folk / expérimentale / early jazz et réalisée avec goût et discernement, est diffusée pile au bon volume. Pas trop faible (ce n’est pas de la tapisserie), pas trop forte (pas besoin d’élever la voix pour se comprendre). Il suffit que j’y passe une heure ou deux pour avoir une épiphanie musicale, une (re)découverte qui m’entraîne inexorablement vers le bar, où les sympathiques hippies / étudiants en art responsables du lieu me répondront volontiers. "That was Joanna Newsom, on her latest album." "Oh, this is Little Ann, great tune." "This is Cass McCombs."
S. et moi avons interviewé pour Froggy’s Delight Yaw, gérant du lieu avec sa compagne Nicola.
Yaw : Ce lieu est en réalité la deuxième incarnation d’Oklahoma. La première avait été créée en 1997 dans le quartier de Deansgate ; suite à la fermeture du bâtiment où elle se trouvait, on a ouvert cette boutique en 2002 dans le Northern Quarter. À l’époque, il n’y avait rien dans le coin. C’était plutôt une partie de la ville que les gens évitaient. Le Northern Quarter était pauvre, et principalement constitué d’usines et entrepôts dans le domaine du textile. Même quand le quartier a commencé à changer, il est resté difficile d’attirer le public pendant des années. Le véritable tournant a eu lieu avec l’ouverture d’un autre café à deux pas d’ici, "Blue". Les habitants ont pris cette deuxième apparition d’un commerce local comme le signe d’un changement : le quartier était maintenant considéré comme sans danger.
Oklahoma est à la fois un café et une boutique. Est-ce que c’était une volonté dès le départ ?
La première ambition était la boutique. Le contenu était très différent à l’époque : nous vendions du mobilier de haute qualité, des chaises design, etc. L’évolution vers une boutique de cadeaux est récente. Nous proposions au départ un petit coin café dans la boutique (nous ne faisions pas encore de gâteaux et de sandwiches), mais progressivement, ce service est devenu la raison pour laquelle les gens venaient au magasin.
Nous aimons aussi le lieu pour son design intérieur, son côté très cosy. Qui a décoré Oklahoma ?
Principalement un décorateur qui s’appelle Neil Robins. Il a conçu et construit de nombreux éléments du bar à partir d’objets de récupération, de bouchons de bouteille fondus, de déchets plastiques recyclés. Le lieu continue d’évoluer : nous avons ouvert récemment une nouvelle salle au sous-sol, dans laquelle nous avons organisé un concert de musique expérimentale la semaine dernière, et projeté le film d’un jeune cinéaste parisien. Il y a une exposition en ce moment [des dessins parfois évocateurs de l’œuvre de Daniel Johnston], et en décembre nous organisons une série d’événements autour du Jour des morts au Mexique.
Vous avez pris un certain risque, en ouvrant ce lieu ici, dans une zone urbaine déserte. Vous avez fait un pari sur la gentrification du quartier ?
Il faut que ce soit risqué. C’est une volonté : c’est en prenant des risques qu’une aventure est enthousiasmante, qu’on ressent toute son énergie. Même si la réussite du lieu a tardé à arriver, ce qui a entraîné des doutes, on s’est accroché, et on a fait preuve de patience.
Oklahoma, 74-76 High St, Manchester M4 1ES, Northern Quarter, Manchester.
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