Tragédie de Valeria Parrella, mise en scène de Luca De Fusco, avec Gaia Aprea, Anita Bartolucci, Gianluca Musiu, Giacinto Palmarini, Alfonso Postiglione, Nunzia Schiano, Paolo Serra et Dalal Suleiman.
A quelques jours d'intervalle, la France accueille deux spectacles transalpins qui se situent aux antipodes l'un de l'autre et attestent de la vitalité et de la diversité du théâtre italien.
Après l'effervescence frénétique du spectacle performatif "Imitation of death" du Collectif ricci/forte placé sous le signe du mouvement perpétuel et de la saturation sonore stigmatisant les dérives sociétales du 21ème siècle qui a secoué la MC 93, le Théâtre National de Chaillot accueille pour sa première en France une nouvelle "Antigone" d'une beauté et d'une staticité absolues placée sous le signe du verbe et de l'épure théâtrale.
Valeria Parrella, jeune écrivaine et dramaturge italienne, a puisé dans la mythologie grecque pour s'emparer de la figure de Antigone et llivre un texte plus littéraire que théâtral même s'il s'inspire de la structure antique.
Dans cette approche moderne, Antigone enfreint la loi interdisant l'euthanasie en débranchant la machine qui, au nom de l'acharnement thérapeutique, maintient artificiellement en vie son frère.
Sa confrontation avec "le législateur" qui est aussi le monarque et son oncle, est un dialogue de sourds, l'une arguant d'une conception philosophique, l'autre politique. Condamnée à l'emprisonnement à perpétuité et confronté à la dureté de la condition pénitentiaire, elle met fin à ses jours alors même qu'allait intervenir sa libération.
Dans sa note d'intention pour la mise en scène, Luca De Fusco indique "ne plus rechercher un réalisme mimétique mais un rapport toujours plus proche entre la parole, la musique et les images".
Dès lors la scénographie, en l'espèce signée Maurizio Balo avec la musique envoutante de Ran Bagno, ne peut qu'être dépouillée et la mise en scène au service du verbe tend à l'abstraction.
Alors, bien évidemment, il n'y a pas d'action ni d'effet spectaculaire, pas vraiment de personnages si ce n'est des voix pour porter le texte. Dans l'obscurité du plateau plongé dans le noir vêtus de costumes stylisés d'une belle élégance de Zaira De Vincentiis, les officiants apparaissent dans des halos lumineux subtilement dessinés par Gigi Saccomandi ainsi que leurs visages en gros plan par des incrustations vidéo en temps réel.
L'exercice de haute volée, exigeant en termes de qualité d'écoute, est très statique et proche du récitatif mais dispensée par des comédiens aguerris - dont les excellents Gaia Aprea et Paolo Serra dans les deux rôles principaux - qui captivent et captent totalement l'attention. |