Derrière ce nom barbare aussi énigmatique qu’indigeste se cache en fait un projet multiforme qui emprunte les traits et la voix de la chanteuse d’origine suédoise Jonna Lee. Combinant image et musique (notamment au travers de leur page YouTube ou de leur site internet), Iamamiwhoami, qui est en fait un collectif, met en place une série de vidéo à la production poétique, comptant des fables modernes.
En 2012, avec la sortie progressive de 9 chansons (la première ayant été mise en ligne le 14 février 2012), ils formaient l’album Kin, qui s’avérait être une fresque électronique fantasque exploitant les affres de la perte au travers de l’évolution d’une femme esseulée, ayant pour uniques compagnons, une bande de yétis gigantesques et farfelus.
Mais avant cela, il y eut en 2010 la série de vidéos, maintenant connue sous l’appellation Bounty et dont la bande son fut finalement réunie dans un album édité en mai 2013. A l’époque, le collectif et son visage principal jouissaient d’un buzz énorme, qui fut suscité par le mystère entourant ses membres, mais aussi par le sens que l’on devinait dissimulé dans chaque vidéo.
Bounty est un album qui peut être soumis à plusieurs interprétations et sans être trop aventureux, on peut avancer que celui-ci narre l’avènement d’une entité quasi-mystique et de son éveil à la nature et surtout à la rencontre de son amour impossible. Cette fable en partie éco-consciente fait lourdement appel à la musique électronique, utilisant les machines comme un miroir déformé à la nature ou comme un écho à celle-ci. Bref, loin de vouloir seulement placer leurs productions au centre d’une simple dichotomie entre la technologie et la nature, ils mobilisent tout un imaginaire qui se développe autour d’un son éthérée et dont la forme inattendue surprend l’oreille.
De fait, depuis le titre "B" jusqu’à "Y", Jona Lee explore avec ses textes, l’impossibilité de son amour et son évolution / mutation, plaçant alors sa situation en écho avec celle de la planète. Le tout en offrant à l’auditeur une position inconfortable, piégé entre l’émerveillement, le questionnement et une envie inassouvie de danser. En effet, contrairement à Kin et à ses titres "Play" et "Goodies", Bounty n’alignera que peu de productions à même à provoquer les déhanchements. En même temps, là où Kin laissait sa protagoniste s’effondrer dans la folie et donc dans la dance (Cf. le clip de "Goodies"), cet opus pose son héroïne, comme un personnage pleinement conscient de son environnement et de sa situation. Ainsi, les productions musicales s’offrent sous un contrôle absolu, qui ne laisse comme espace d’expression que la voix et des sons éthérés, sorte de lamentation à moitié dissimulée. Abstraction étant faite du titre "U-2" sur lequel la voix s’efface presque entièrement face à une électro invasive.
Ce que l’on retiendra de l’album sera surtout son caractère multimédia qui met en place une complémentarité entre les supports, mais aussi cette volonté de restituer au public une histoire à l’identité sonique et visuelle forte, mobilisant sa sensibilité et son imagination et allant jusqu’à stimuler cette dernière par tous les moyens. Classieux, sans verser dans un étalage pseudo-artistique néfaste, ce premier né qui vient pourtant tout juste de bénéficier de sa propre sortie, augure un futur ambitieux pour ce projet. |